Quels sont les albums qui ont triomphé lors de ces Bulles d'or ?
Windsor Smith fait remonter la personnalité complexe de ce monstre iconique à une enfance maltraitée, doublée d'expérimentations scientifiques menées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale à partir d'essais scientifiques nazis. Autrement dit : comment la société américaine des années 1950 a engendré un monstre à partir d'autres monstres.
Quels sont les albums qui ont triomphé lors de ces Bulles d'or ?
Âmes sensibles, s'abstenir !
"Monstres" est assurément une œuvre monumentale, et témoigne indéniablement de la maîtrise de Barry Windsor-Smith, qui s'affirme encore une fois comme une référence incontournable dans le genre du Comics.
Il faut dire que l'auteur a eu le temps de mûrir son projet, en gestation depuis plus de 35 ans mais refusé à la fois par Marvel et par DC, rebutés par la noirceur du scénario...
Bobby Bailey, est un personnage à la croisée des références, rappelant à la fois Hulk, la créature du docteur Frankenstein, Elephant Man, ou un Captain America qui aurait mal tourné.
Son destin tragique retrace une part de l'histoire des États-Unis, remontant de la Seconde Guerre Mondiale jusqu'en 1965, en donnant à voir un piètre aperçu des horreurs de la Guerre, des contradictions de la société américaine, et de la monstruosité dont les hommes sont capables (car, au fond, qui sont les vrais "Monstres" qui se cachent derrière le titre ?).
L'ensemble n'est peut-être pas dénué d'un certain manichéisme, et reprend des schèmes narratifs récurrents au travers de figures telles que le nazi scientifique psychopathe, le père alcoolique et violent, le shérif au cœur (trop ?) tendre, ou encore le soldat patriote mû par un indéfectible sens de l'honneur.
Le résultat final est celui de ce gros pavé de presque 400 pages, aux textes denses, aux protagonistes nombreux, à la narration foisonnante caractérisée par des sauts dans le temps qui peuvent rapidement devenir confus à la moindre inattention de la part du lecteur.
Le dessin également, quoique tout en finesse et en nuances de clair-obscur, m'a parfois semblé presque indigeste tant le degré de précision de chaque case alourdit l'ensemble général, en ne laissant aucun espace pour reprendre son souffle.
Il faut reconnaître que cet ouvrage conséquent est magistral par bien des aspects, à commencer par sa genèse difficile et par la charge de travail de Barry Windsor-Smith.
Mais Diable ! Que de violence ! Que de noirceur !
Les illustrations elles-mêmes ne laissent pas la moindre place à une once de luminosité, et achèvent d'affirmer le côté oppressant de cette histoire sans aucune échappatoire possible, que ce soit pour les personnages principaux autant que pour le lecteur.
"Monstres" est probablement un chef-d’œuvre du genre, mais j'avoue avoir eu du mal à venir au bout de ma lecture, et je ne suis pas sûre d'avoir le courage de m'y attaquer à nouveau à l'avenir...
Sans être dénué de mérites, ce titre est surtout à recommander aux amateurs du genre.
Monstres de Barry Windsor-Smith
C’est un pavé de presque 400 pages, je vous promets qu’il y a des moments d’asphyxie ou d’apnée qui poussent à poser le livre, aller faire un tour dans les bois puis revenir à sa lecture. Une BD pareille peut certainement se lire d’une traite mais comme l’auteur a mis… 40 ans à la finir, il serait presque ballot d’en expédier la découverte ! Pas question de mettre autant de temps pour l’apprécier mais des pauses s’imposent !
Des monstres donnent naissance à d’autres monstres, nous allons suivre l’existence de Bobby Bailey. Son père rentré de la guerre en Europe est devenu incontrôlable, il bat et défigure son fils, lequel va vouloir, jeune adulte, rentrer dans l’armée. Il fera le pigeon idéal pour intégrer un programme tenu secret, Prométhée, dirigé par le colonel Friedrich, officier américain d’origine allemande exfiltré à la fin de la guerre. Ce dernier a emporté avec lui tous les secrets des expérimentations nazis pour créer de surhommes, il va choisir Bobby pour en faire une créature abominable.
C’est un roman graphique puissant et sombre. On a droit à des détails, des anecdotes, des drames, on voyage dans le temps entre aujourd’hui et dans les affres d’un passé lointain. Le trait parfois sans paroles est fort et n’épargne pas le lecteur.
On suit la famille de Bobby notamment sa mère proprement dévastée par un mari revenu monstre de la guerre et celle du sergent McFarland, sergent noir américain qui a recruté Bobby pour Prométhée et qui, tenu au secret, ne peut rien dévoiler à sa femme et ses deux enfants.
On suit les digressions qui s’avèrent souvent n’être que d’infimes petits cailloux blancs dans la forêt barbare du récit, on fait escale dans l’existence d’un Hulk et personne ne nous épargne son long chemin de croix.
La mort est là, nous saisit par le cou et nous secoue, imparable destinée.
Moi ce que j’aime, c’est les monstres ! Et quand, après plus de 15 ans de silence, un monstre sacré du 9ème art s’y attaque, le résultat ne peut être que monstrueux : monstrueux de maîtrise narrative, monstrueux de prouesse graphique, monstrueux dans tous les sens du terme. Monstres de Barry Windsor-Smith paru aux Éditions Delcourt est incontestablement l’un des albums qui m’a le plus marquée en cette année 2021.
1949, La maison des Bailey, ville de Providence, Ohio, samedi 11 juin
Le récit s’ouvre sur une scène extrêmement violente, une mère tentant de protéger son fils Bobby de la furie dévastatrice d’un homme éructant en allemand, son père.
15 ans plus tard, 22 avril 1964, nous retrouvons Bobby, âgé de 23 ans à Los Angeles dans le bureau de recrutement de l’armée américaine face au sergent McFarland. « Mâle blanc de moins de 30 ans, SDF, sans attaches », il est le candidat idéal pour servir de cobaye dans un projet classé top secret : le projet Prométhée. Lui, qui voulait seulement servir son pays va alors rejoindre Fort Sherman, bien loin d’imaginer ce qui l’attend jusqu’à ce 25 novembre 1965 qui mettra un terme à une tragédie qui avait commencé bien avant ...
Le destin de deux familles qui vont s’entrecroiser tout au long du récit : celle des Bailey bien sûr mais également celle du sergent McFarland sans oublier Jack Powell …
Un kaléidoscope vertigineux conjuguant action et émotions
Un mystérieux projet de l’armée américaine prolongement d’un programme d’expérimentations génétiques nazies, des traumatismes liés aux horreurs de la guerre ou à une enfance maltraitée, une histoire d’amour impossible, Thanksgiving, sixième sens … rien de bien original me direz-vous. Et pourtant, on tient là entre nos mains, une œuvre majeure, un véritable chef d’œuvre ! La force, la puissance de cette histoire résident dans la subtile combinaison de tous ces thèmes, pas seulement ces thèmes mais également des genres ainsi que la multiplicité et la variété des pistes narratives. Récit protéiforme non linéaire sur lequel planent les ombres de Mary Shelley et de Stephen King se déroulant sur plusieurs périodes, on passe du thriller psychologique à l’extrême violence et l’horreur absolue ce qui n’empêche de beaux moments d’accalmie qui n’en font que mieux ressortir une sensation d’immense gâchis. Récit choral où se complètent les différents points de vue des personnages principaux notamment à travers le journal intime de Janet, la mère de Bobby ou la matérialisation de Bobby adulte spectateur dans des scènes de son enfance.
L’auteur, par touches successives donne de l’épaisseur et de la profondeur à ses personnages révélant leurs failles et leur humanité et/ou monstruosité. Outre la monstruosité physique infligée à Bobby, on va croiser d’autres formes de monstruosités : monstruosité collective du projet, monstruosité par indifférence, par bêtise crasse, par lâcheté, par cruauté … Tout le monde ou presque a sa part de responsabilité dans cet engrenage et personne n’en sortira indemne.
De Hulk à Bobby
Peintre et auteur de Comics dont la réputation n’est plus à faire, le Britannique Barry Windsor-Smith avait, entre autres, imposé sa patte aux univers de Conan le barbare, Daredevil, Wolverine et semblait avoir atteint les sommets avec l’excellent Weapon X qui n’est autre que le récit d’origine de Wolverine et les expérimentations inhumaines qu’il subit lors de l’octroi de ses griffes et son squelette d’adamantium. Mais ça, c’était avant …, avant Monstres.
Après s’être penché sur Wolverine, l’auteur s’est plongé dans un projet sur les origines de la force surhumaine de Hulk et les traumas de son enfance ayant influé sur sa personnalité. Faisant la part belle à la psychologie du personnage, il fut jugé trop sombre et refusé par Marvel dont il claqua la porte en 1991. C’est ce récit avorté, également refusé par DC, que Winsdor-Smith, quittant l’univers des super-héros, a remanié et développé pendant plus de 15 ans et qui aboutira à ce magistral pavé de 365 pages.
Encrage puissant tout en finesse, trait réaliste au service de la narration
Barry Windsor-Smith est ici au sommet de son art et conjugue avec brio virtuosité graphique et grande maîtrise de la mise en scène. Il nous livre d’époustouflantes planches en noir et blanc de facture classique fourmillant de détails tant au niveau des décors que des personnages très expressifs tout en apportant également un soin extrêmement minutieux au rendu de la texture, des imprimés des vêtements et de la chevelure de la mère de Bobby notamment. Ce soin, ce souci de véracité ancre le récit dans les périodes concernées que ce soit l’immédiate après-guerre ou les années 60 sans nuire aucunement à la narration qui demeure très fluide et dont le dynamisme prend toute sa puissance dans les scènes d’action. Notons au passage que le format généreux de l’album nous permet d’apprécier d’autant mieux le travail d’orfèvre de cet artiste incontournable du 9ème art. Chapeau maestro !
Extraordinaire par sa virtuosité scénaristique et graphique, extrêmement fort émotionnellement parlant, Monstres fait partie des romans graphiques qu’on n'est pas prêt d’oublier ! Sous la violence et la noirceur pointe une humanité désespérée. Quel choc!
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