"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ce 29 juillet ressemble à une journée ordinaire dans la vie de Cathal. À peine le sent-on troublé, dans son bureau de Dublin baigné de soleil, alors qu'il s'acquitte distraitement de ses tâches de fonctionnaire, puis dans le bus qui le ramène chez lui, où son attention est fugitivement attirée par un parfum familier.
Dans sa maison du comté de Wicklow, l'immobilité et le silence lui paraissent singuliers ce soir-là. S'affalant dans son canapé, il se laisse happer par un documentaire sur Lady Diana, fasciné par les images de son mariage, alors qu'il ne s'était jamais intéressé à la famille royale.
Au gré de dissonances subtilement notées par Claire Keegan dans le comportement de son personnage, le lecteur comprend peu à peu que cette journée va se révéler tout sauf ordinaire.
Parallèlement à la soirée de Cathal, le récit narre sa rencontre avec Sabine, deux ans auparavant, et l'importance que cette jeune femme franco-britannique, travaillant elle aussi à Dublin, a peu à peu prise dans son existence.
Misogynie est un véritable tour de force : voici une nouvelle parvenant à suggérer ce qui n'arrive pas à l'homme dont elle brosse le portrait avec une précision quasi entomologique.
Une très courte nouvelle où l'irlandaise Claire Keegan nous brosse un portrait rapide de la misogynie ordinaire.
L'auteure, le livre (64 pages, mai 2022) :
On avait déjà croisé la route de l'irlandaise Claire Keegan : avec Ce genre de petites choses où l'on suivait les pas d'un livreur de charbon dans un presque conte de Noël jusqu'au couvent des sœurs Magdalene [clic], de sinistre mémoire irlandaise, encore un de ces grands scandales de l'église catholique.
C'était déjà un tout petit bouquin d'une centaine de pages et il a été adapté au cinéma pour une sortie prochaine ...
Misogynie est d'un format encore plus ramassé, une nouvelle plutôt d'une soixantaine de pages.
♥ On aime :
➔ Claire Keegan affectionne les formats courts. Sa prose y excelle à décrire les petites choses ordinaires, les petits riens d'apparence insignifiante mais qui veulent souvent dire beaucoup.
Avec Misogynie, dans un format très très court, une nouvelle lue en quelques minutes, nous suivons la journée (presque) ordinaire d'un employé de bureau.
Mais ses collègues de bureau sont bien attentionnés et prévenants aujourd'hui ?
Ce soir il va regagner sa maison au sud de Dublin.
Mais seul, pour une séance de zapping télé, pendant que remontent quelques souvenirs.
Que lui est-il arrivé ? Ou plus exactement que ne lui est-il pas arrivé ?
La définition par Claire Keegan de la misogynie ordinaire :
[...] – Tu sais ce qui est au cœur de la misogynie ? Dans le fond ?
– Alors je suis misogyne à présent ?
– Ça consiste simplement à ne pas donner, avait-elle dit.
En 45 pages, au fil de petits indicateurs parsemés, mènent sans peu de doutes à ce renoncement. Une réflexion qui se diffuse facilement à d'autres modèles de vie. On se prépare, on s'organise et on se désengage. Claire Keegan auteur de "les trois lumières" adapté au cinéma dans "the quiet Girl" nous livre une nouvelle efficace et sans contours.
Misogynie : sentiment de mépris ou d'hostilité à l'égard des femmes.
En 45 pages seulement, Claire Keegan nous démontre que la misogynie peut même passer inaperçue à la conscience du misogyne !
Ainsi à celle de Cathal.
Cathal, ce fonctionnaire irlandais, bien sous tous rapports, sérieux, travailleur, qui prend le bus de 17h15 et regarde des séries sur Netflix !
Qui rencontre Sabine, la franco-anglaise qui ne sait pas cuisiner sans utiliser plein de vaisselle, qui maîtrise le clafoutis aux cerises, et qui finit par emménager chez lui "avec tout son bazar" !
La bague est achetée. La robe en dentelle aussi.
Mais....
Claire Keegan avec une précision chirurgicale et un style épuré d'une redoutable efficacité, détricote ce qui "aurait pu être".
Et nous laisse à voir ce qui est. Simplement. Efficacement.
A savoir une misogynie "ordinaire", latente, archaïque.
Celle de Cathal qui ne pensait pas que vivre à 2 "ce serait comme ça".. que c'est "simplement trop de réalité" ! (?)
C'est qu'il n'arrive pas à envisager le partage, non programmé dans son éducation, et parasitant ses habitudes.
Combinaison impossible donc entre la carpe pétrie de certitudes et quelque part handicapé côté générosité du coeur, et le lapin agile.
C. Keegan, en quelques pages, et fort subtilement, nous amène à la découverte que la misogynie peut aussi être un comportement, inoffensif en apparence, mais insidieux à la longue.
Sabine l'a bien compris, qui refuse à temps le rôle d'une femme s'inscrivant passivement dans le schéma d'un homme !
Ouf !!
Une journée ordinaire dans la vie de Cathal, un employé de bureau que l'on voit rentrer chez lui après son travail .
Un journée ordinaire, mais qui aurait dû être particulière !
Qu'aurait-il dû se passer ? C'est seulement dans les toutes dernières pages de ce court récit de 45 pages que le lecteur le découvrira .
Car Claire Keegan, adepte des formats courts, ne raconte ni ne décrit jamais longuement. Elle a l'art de rendre sensibles des états, des atmosphères, en distillant des petits détails qui en s'accumulant amènent le lecteur à construire lui-même la réalité d'une situation.
On devine dés l'ouverture de la nouvelle que Cathal est préoccupé, l'attitude des collègues à son égard le confirme. Les pensées qui l'envahissent en suite lors de son retour en bus puis dans son appartement révéleront progressivement la cause de ce malaise . Mais ne comptez pas sur moi pour le révéler ici ….
MISOGYNIE, c'est un incitation à réfléchir sur le couple, sur ce que l'un attend de l'autre, et sur l'impact persistant des schémas de pensée traditionnels sur les rôles respectifs du mari et de la femme .
MISOGYNIE, c'est aussi une nouvelle offerte par l’auteure à sa maison d'édition Sabine Wespieser, pour les 20 ans de cette dernière . Un fort joli cadeau pour l'éditeur et pour les lecteurs !
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !