"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
«Qu'est-ce que tu m'as fait? Tu colles à moi comme mes dents à mes gencives. Je te vois partout, je vois ton ventre, ton sale ventre de chienne, je sens ta chaleur dans mes mains, j'ai ton odeur dans les narines. J'ai couru jusqu'ici, je ne savais pas si c'était pour te tuer ou pour te prendre de force. Maintenant, je sais. (Il la lâche brusquement.) Je ne peux pourtant pas me damner pour une putain.»
Comme j’aurais aimé voir cette pièce de théâtre écrite en 1947 lorsqu’elle a été jouée pour la première fois, un an après, au Théâtre Antoine.
Bien sûr, en la lisant aujourd’hui, on se rend bien compte que c’est une pièce d’une autre époque et que le racisme institutionnalisé, qui était encore la norme dans les états du Sud des Etats-Unis dans les années 30, n’est heureusement plus d’actualité. Pourtant, l’irrespect envers les afro-américains nous choque toujours autant, même cent ans après. Il faut néanmoins replacer l’histoire dans son contexte et prendre ce drame théâtral comme un plaidoyer contre l’injustice raciale.
Lizzie, une jeune prostituée arrive de New-York pour s’installer dans le Sud. Mais dans le train qui l’amène, elle se fait agressée par des hommes blancs avinés, devant deux hommes noirs impuissants.
Fred, le fils d’un sénateur, est son premier client mais il vient en fait pour la persuader d’accuser un homme de couleur (« Le nègre » dans le texte de Sartre) de cette agression à la place de son cousin, le réel coupable.
Durant toute cette courte pièce, c’est un mélange de persuasion, de paternalisme et d’attirance sexuelle que vont utiliser le sénateur et son fils pour faire céder la jeune femme. Le présumé agresseur de son côté, tente de lui faire dire la vérité en faisant appel à son sens de la justice et à son empathie, pour sauver sa vie menacée.
C’est à la fois un affrontement de classes sociales entre riches et pauvres, une domination raciale des blancs sur les noirs et une supériorité sexiste de l’homme sur la femme, qui vont peser sur cette « putain respectueuse » naïve et sentimentale.
On retrouve bien, en un seul acte et deux tableaux, l’engagement social et politique de Jean-Paul Sartre qui l’a habité durant toute sa vie et l’on perçoit, derrière cette pièce, la force des convictions de ce grand écrivain.
La première pièce qui traite de la ségrégation raciale dans le sud des Etats-Unis est assez faible, mais la deuxième (Morts sans sépulture) est beaucoup plus intéressante. Sartre met bien en évidence les contradictions qu'il pouvait y avoir au sein d'un groupe de résistants durant l'occupation, ça me rappelle un peu le film L'armée des ombres qui parle quasiment de la même chose. A lire surtout pour la deuxième pièce.
super livre j'ai kiffé!!!
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