"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Des chambres d'hôtel anonymes, sept gardes du corps, deux voitures blindées. C'est le quotidien sous haute protection de l'auteur napolitain depuis le succès phénoménal de Gomorra, son roman-enquête sur la mafia locale -la Camorra- publié en 2006. Depuis lors, sa vie a radicalement changé, mais celui qui n'est jamais plus rentré chez lui a choisi son camp : il ne se taira pas. De la crainte des voitures piégées à celle des pizzas empoisonnées, il imagine les divers scénarios de son assassinat et, évoquant son enfance, sa famille, ses ennemis, il livre un récit intime et saisissant. Le récit inédit d'une vie en sursis.
Une bonne gifle, on ne ressort pas indemne de cette lecture. Ici pas de fantastique, de narration imaginaire, ici la vraie vie, une vie en sursis, faite de résistance…
Le poids des mots dans nos démocraties où on peut encore mourir pour ce que l’on écrit est au centre de cet ouvrage. Comment la vie d’un homme change pour ce qu’il a écrit, change à jamais car, on n’en perçoit pas la fin alors que plus de quinze ans se sont écoulées depuis la sortie du livre de Roberto Saviano sur la Camorra. Quinze ans que sa tête est mise à prix par la mafia napolitaine et que l’anormal est devenu bien malgré lui normal.
Le graphisme aéré d’Hanuka et les aplats de couleurs choisis viennent rendre compte de cette réalité, de cette prison dans laquelle le journaliste est à présent enfermé. Le récit de sa vie de fugitif est teinté de pudeur et de quelques traits d’humour. Saviano nous narre le processus créatif qui nous amène à cette bd mais aussi ses peurs, son enfance, sa capacité à faire face à cette vie loin des siens.
Dans son parcours d’errance, Saviano évoque Salman Rushdie parti comme lui se « mettre en sécurité » à New York. La tête de cet écrivain est mise à prix à la suite d’une fatwa. Il a été victime le 12 aout dernier d’une tentative de meurtre et a été grièvement blessé malgré la protection policière qui l’accompagne. Dur rappel de la réalité pour Saviano.
Un titre fort. Un livre percutant.
2007 : une bombe littéraire sort, Gomorra de Roberto Saviano. Evocation très précise de la puissante la camorra, la mafia napolitaine, de son infiltration à tous les niveaux de la société ce roman est aussi une déclaration de résistance et une affirmation de la nécessité de parler et de dénoncer, un engagement. Cela signe l'arrêt de mort de Saviano..... immédiatement. Condamné à vivre sous protection policière, à déménager sans cesse, à changer d'identité, à s'exiler...
Cette bande dessinée est une merveilleuse autobiographie où le texte et l'illustration ne cessent de se faire écho. Le noir le rouge et le gris prédominent dès lors qu'il dépeint cette vie de reclus, cette prison à ciel ouvert dans laquelle il semble condamné pour toujours, le bleu vient signifier la liberté que lui offre la ville de New York...
La lecture de cette ouvrage suscite admiration pour cette homme qui a toujours voulu dire, peine pour sa famille, pour lui. On prend la mesure de la puissance de cette organisation aux ramifications multiples, le courage de l'engagement. Cette bande dessinée aborde toutes les problématiques : la culpabilité, l'isolement, la solitude, la peur, la rage, la désocialisation...
Magnifique découverte!
Les vacances c’est aussi l’occasion de lire les albums qui t’ont échappés dans l’année. C’est le cas de cette autobiographie de Roberto Saviano dessinée par Asaf Hanuka.
L’autobiographie d’uUne vie sous protection policière depuis 15 ans. Depuis que Roberto Saviano a publié Gomorra, un livre (puis un film et une série) au succès mondial où il dit tout sur la mafia napolitaine.
Protection rapprochée, clandestinité, déménagements forcés, isolement, solitude, Saviano vit depuis une vie de reclus. Il raconte à la première personne comme dans une conversation au coin du bar, nous dit tout sans fard, c’est passionnant, percutant, froid et intime à la fois.
Roberto Saviano a choisi son dessinateur. Asaf Hanuka réussit à mettre en images ce récit grâce à des mises en scènes audacieuses, des trouvailles variées et l’utilisation habile de la couleur qui vient marquer le changement de chapitres dans un dessin en nuances de gris.
Un album puissant, dur, le cri d’un homme qui refuse de se taire et veut continuer le combat avec les armes qui sont les siennes, les mots.
« Bande de salopards, je suis toujours vivant ! » C’est de cette réplique du film Papillon que l’auteur napolitain Roberto Saviano va tirer le titre percutant de son récit autobiographique pour lequel il va délaisser ses formes d’écriture habituelles et se tourner vers le roman graphique. Dans Je suis toujours vivant paru conjointement aux Éditions Steinkis et Gallimard, l’homme qui a choisi un jour de ne pas se taire se livre pour la première fois et, sous le trait réaliste, onirique et symbolique du dessinateur israélien Asaf Hanuka, nous fait pénétrer dans son intimité en brossant le tableau choc de son quotidien sous haute protection policière depuis sa condamnation à la « vita blindata » 15 ans plus tôt suite à la parution du cultissime Gomorra.
L’homme qui a choisi de ne pas se taire
Roberto Saviano, né à Naples, a étudié la philosophie et les sciences politiques avant de se tourner vers le journalisme. Sa vie a basculé en 2006 suite à la publication et au succès de Gomorra, fresque corrosive sur la mafia napolitaine, livre traduit dans 42 pays, vendu à près de 5 millions d’exemplaires dans le monde dont 630 000 en France et qui a donné naissance à un film éponyme grand prix du festival de Cannes en 2008, puis à une série télé comprenant 5 saisons. Le succès du livre dès sa sortie ainsi que la désignation et nomination de 3 parrains présents dans l’assistance en les pointant du doigt lors d’une rencontre avec le public lui ont valu d’être condamné à mort par la Camorra à l’âge de 26 ans et contraint de vivre dans la clandestinité sous protection rapprochée. Devenu une véritable icône dans son pays, adulé par les uns, haï par les autres, il continue le combat en étant très actif sur les réseaux sociaux et présent dans les médias italiens à travers des émissions télévisées tout en continuant à écrire des livres sur le sujet mais pas seulement.
Qu’est-ce qui fait qu’un jour, Roberto Saviano a choisi de ne pas se taire ? Les philosophes et écrivains qu’il a lus bien sûr mais aussi des évènements : le fait d’avoir été témoin à l’âge de 12 ans de l’exécution en pleine rue d’un homme après une course poursuite, le choc ressenti à l’assassinat d’un prêtre qu’il connaissait bien pour avoir trois ans auparavant placardé sur les murs de sa petite ville un manifeste : « Je ne me tairai pas. » Il était alors âgé de 15 ans et c’est ce jour là, 10 ans avant la parution de Gomorra, qu’il a pris la décision de ne pas se taire.
« Je voulais donner une image réaliste mais aussi symbolique, expressionniste, de ma vie. »
Roberto Saviano, grand amateur de bandes dessinées, séduit par le graphisme de la série Le réaliste d’Asaf Hanuka dans laquelle l’auteur raconte le quotidien d'un Israélien dans un pays constamment sous tension, demande à Bao Publishing son éditeur italien de contacter le dessinateur pour « réalister » sa biographie en bande dessinée. Pourquoi ce choix ? Lui qui a écrit des romans, des témoignages, des essais, a scénarisé pour le théâtre, la télévision a estimé que le médium lui apportait ce que n’auraient pu faire un documentaire ou une biographie classique : la possibilité et la liberté de transformer, transposer, transcender en images chaque sensation, chaque émotion avec énergie et pour ce faire, Asaf Hanuka était l’homme idéal pour raconter son histoire par le biais de ce jeu visuel entre réalisme et rêve. Et il ne s’est pas trompé !
Illustrateur israélien vivant à Tel Aviv diplômé de l’école Émile Cohl, grand dessinateur de presse, Asaf Hanuka est notamment connu dans le domaine de la bande dessinée pour KO à Tel Aviv, série couronnée d’un Eisner Award du meilleur album étranger pour le tome 3 en 2016 qui prit le nom de « Le réaliste »à la sortie du 4ème tome en 2021. Dessinateur d’un des soldats, il a également participé au film d’animation Valse avec Bachir d'Ari Folman pour les scènes oniriques. On reconnaît bien son style dans la scène d’ouverture avec les chiens, scène qu’on se remémore immédiatement à la lecture de l’épisode concernant le prêtre assassiné.
Étant donné la nature personnelle et profondément intime du récit, difficile de faire ça par mail. Alors ils se sont retrouvés. La première rencontre a eu lieu à Milan dans la maison d’édition italienne et ce fut le prélude d’un long jeu de ping pong entre les 2 hommes, Saviano envoyant l’histoire, Hanuka lui renvoyant le découpage. Le récit puissant simultanément descriptif et symbolique, constitué d’une succession de petites histoires emprunte la forme d’une conversation entre deux amis afin que le lecteur ait l’impression d’écouter un copain de bar lui raconter sa vie, ses aventures. Il nous livre des épisodes marquants de sa vie : son enfance, ses relations avec son père, son frère, nous raconte les détails de son quotidien, une vie faite de procédures, sa perte de liberté, les répercussions sur ses relations familiales et intimes mais également ses pensées, ses angoisses, ses cauchemars, imagine les différents scénarios de son assassinat. Dans la liste des choses qui font que la vie vaut la peine d’être vécue, il va citer en premier lieu la mozzarella, mais pas n’importe laquelle, celle de bufflonne d’Aversa, véritable madeleine de Proust, symbole pour lui du retour à la maison.
Les auteurs ont trouvé un équilibre entres les épisodes graves, tragiques et d’autres plus légers teintés d’ironie flirtant même par moments avec le comique.
La couleur, servant la narration, a un sens émotionnel et symbolique. L’album est réalisé en nuances de gris auxquelles viennent s’ajouter pour chaque chapitre une couleur franche. Le changement de couleur marque le passage d’un chapitre à un autre mais est également utilisée comme symbole. Si le rouge incarne la violence, la menace, le danger le jaune quant à lui est la couleur su surnaturel, de la magie. Dans l’épisode mettant en scène Roberto et son père, la couleur franche cèdera la place au sépia soulignant ainsi l’intimité de la relation père-fils.
On est frappé par le côté spectaculaire, la puissance graphique des représentations mentales, la plupart émanant de Roberto Saviano, d’autres telle le requin surnageant sur un océan de larmes venant d’Asaf Hanuka. C’est dur, violent, poétique aussi. Terriblement juste.
Je suis toujours vivant est un cri, un exutoire d’un homme dont la seule liberté demeure la parole. Alors, lisons-le, écoutons-le et laissons-lui le dernier mot : "J'écris. Je fais entendre ma voix. Je refuse de me taire. Je fais donc tout ce qui est en mon pouvoir avec le reste de liberté qu'il me reste."
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