"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Se plonger dans les histoires de drogue est l'unique point de vue qui m'ait permis de comprendre vraiment les choses. Observer les faiblesses humaines, la physiologie du pouvoir, la fragilité des relations, l'inconsistance des liens, la force colossale de l'argent et de la férocité. L'impuissance absolue de tous les enseignements mettant en valeur la beauté et la justice, ceux dont je me suis nourri. La coke était l'axe autour duquel tout tournait. La carte du monde était certes dessinée par le pétrole, le noir, celui dont nous sommes habitués à parler, mais aussi par le pétrole blanc, comme l'appellent les parrains nigérians. Le pétrole est le carburant des moteurs, la coke celui des corps ».
Après Gomorra, Roberto Saviano poursuit son travail d'enquête et de réflexion sur le crime organisé à l'échelle mondiale. D'où le crime tire-t-il sa force? Comment l'économie mondiale a-t-elle surmonté la crise financière de 2008? Une seule et même réponse : grâce à l'argent de la cocaïne.
Extra pure nous convie à un voyage du Mexique à la Russie, de la Colombie au Nigeria, en passant par les États-Unis, l'Espagne, la France et l'Italie de la 'ndrangheta calabraise. Au fil de cette exploration, l'auteur raconte avec une puissance épique inégalée ce que sont les clans criminels partout dans le monde. Et il démonte impitoyablement tout le fonctionnement de l'économie.
Roberto Saviano, l'auteur de Gomorra, vit sous protection policière depuis plus de huit ans. À la fin d' Extra pure, il note : « Merci à Salman Rushdie qui m'a appris à être libre même entouré de sept hommes armés. » Enfin, ces pages très émouvantes de remerciements se terminent ainsi : « Merci à ma famille qui paie par ma faute un prix exorbitant. Malgré tous les remerciements du monde, je ne pourrai jamais me faire pardonner et je le sais. »
Ces remerciements de l'auteur sont le reflet des risques pris et des souffrances endurées : « J'ai observé l'abîme et je suis devenu un monstre… Fouiller. Déchirer. S'enfoncer… Les parrains, les massacres, les procès. Les tueries, les tortures, les cartels. Les dividendes, les actions, les banques. Les trahisons, les soupçons, les délations. La cocaïne… La vie qui m'est échue est une vie de fuyard, de coureur d'histoires, de multiplicateur de récits. Une vie sous protection, une existence de saint et d'hérétique… »
Fruit d'un énorme travail de recherche et d'enquête très poussées, "Extra pure" commence par un constat d'une lucidité effroyable : « La coke, quelqu'un autour de toi en prend… » Suit une énumération qui n'oublie personne et balaie toutes les professions, jusqu'aux plus prestigieuses.
Après, il faut suivre l'auteur dans ses recherches, ses récits foisonnant de noms, de lieux, d'histoires terribles, sanglantes où un seul dieu règne en maître : l'argent. Il n'élude aucune responsabilité comme celle des USA ordonnant aux gomeros, paysans d'Amérique centrale, de cultiver à nouveau le pavot parce que ce pays avait besoin de morphine pour la guerre. le Mexique a dû fournir plus d'opium et, peu à peu, se sont mis en place les cartels, groupes gérant la production de cocaïne, encaissant les profits, contrôlant prix et distribution. Les saisies policières donnent une idée bien faible par rapport à la réalité. le Mexique est à l'origine de tout mais, comme une gangrène, la coke a contaminé le monde entier et Roberto Saviano en décortique les filières, « cette folie meurtrière sans limites vers laquelle le trafic de drogue a poussé le Mexique aujourd'hui. »
La cocaïne rapporte cent fois plus que les meilleures actions en bourse avec « un océan d'esclaves interchangeables qui perpétuent un système d'exploitation dont seuls quelques-uns profitent… L'économie de la coke croît sans limites et se glisse partout. » L'auteur n'oublie pas le blanchiment de l'argent : « Aujourd'hui, New York (Wall street) et Londres (la City) sont les deux plus grandes blanchisseries d'argent du monde. »
Enfin, il y a le continent africain : « L'Afrique est au Mexique ce qu'un hypermarché est à un grossiste de denrées alimentaires. La cocaïne est comme l'une des épidémies qui se sont répandues sur tout le continent africain à une vitesse effrayante. »
Roberto Saviano rappelle le souvenir de Christian Poveda, abattu par les maras, gangs de rue les plus dangereux du monde, après avoir tourné son fameux documentaire La vida loca. « Raconter, c'est mourir » mais devant l'ampleur du désastre, il débat du problème de la légalisation et se dit favorable à cela afin de casser la spéculation, la loi de l'offre et de la demande.
"Extra pure" est une livre dont on ne sort pas indemne mais Roberto Saviano note : « du respect pour ceux qui lisent… Connaître, c'est commencer à changer. »
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Roberto Saviano est un journaliste et écrivain qui est condamné à mort par la mafia italienne depuis son ouvrage « Gomorra ». Il a une réputation d’obstiné. Quand cet auteur se lance dans un projet, il y consacre tout son temps, tout son esprit et se retrouve comme habité par le thème. Et le moins que l’on puisse dire c’est que pour s’attaquer à la cocaïne, il a une nouvelle fois déployé une énergie folle. Il a voyagé dans le monde entier, a rencontré un grand nombre de protagonistes, a recensé tous les chiffres, dans le but de nous faire entrer dans l’univers des stupéfiants.
Lorsque j’imaginais le trafic de cocaïne, je résumais ça au dealer colombien vendant sa marchandise à des pauvres drogués dans des rues sombres. Mais à la fermeture de ce livre, ma vision s’est vraiment élargie et le plan d’ensemble que j’ai découvert, est plutôt effrayant. En effet, pour parvenir à ses fins, Roberto Saviano m’a entraîné dans les différentes strates de ce commerce.
On débute par un voyage en Amérique du Sud dans les champs de coca. On y côtoie les producteurs, les narcotrafiquants célèbres et leurs cartels meurtriers. En Afrique et en Europe, on fait aussi connaissance avec les brokers, pourvoyeurs du virus sur toute la planète. En Russie, on rencontre la Mafija, nouvel acteur important. On termine notre périple avec les consommateurs finals et les organisations policières chargées de mener la chasse. Aux détours des paragraphes, on découvre aussi des détails un peu plus techniques : comment se fabrique la substance, comment elle est transportée incognito, comment l’argent est blanchi, comment les banques et les femmes jouent des rôles prépondérants, comment les chiens renifleurs sont entraînés…et j’en oublie, le thème est tellement vaste.
Sur la forme, le style choisi par l’auteur est un peu déstabilisant. Les chapitres ne sont pas datés, ils n’ont pas de liens entre eux et font intervenir une multitude de personnages. Certains textes sont parfois un peu répétitifs mais ils constituent un tableau qui décrit un pan particulièrement important de la criminalité internationale et surtout de l’économie mondiale.
Grâce à une enquête exigeante et des portraits souvent dramatiques, Roberto Saviano remplit à merveille son rôle de dénonciateur du système, même s’il sait très bien que la cause paraît vaine tant la machine semble intarissable et inarrêtable.
En conclusion, cet essai est essentiel pour se faire une véritable idée du pouvoir de l’or blanc !
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