"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Fin mai 2022, j'ai acheté, dans un magasin parisien spécialisé dans les randonnées en montagne, un lit de camp, un sac de couchage et une lampe torche. Le lendemain, j'ai installé mon équipement d'alpiniste sur le sol froid du musée de l'Acropole à Athènes pour y passer une nuit de lune décroissante, entièrement seule.
Comment arriverez-vous à dormir avec tous ces yeux de marbre qui vous fixent ? m'avait-on prévenue. Mais c'est une nuit dans un musée vide que je m'apprêtais à passer devant l'Acropole. À Athènes, il ne reste que des miettes : un pied de déesse, la main de Zeus, la tête d'un cheval. Nous avons tous dérobé quelque chose à la Grèce : ses idées, à partir desquelles nous avons forgé nos racines occidentales. Les marbres du Parthénon, arrachés à la pioche et envoyés en Angleterre par Lord Elgin au début du XIXe siècle. Dans ce vol collectif, je ne suis qu'un imposteur parmi d'autres : je ne suis pas grecque, je ne parle pas le grec moderne, et pourtant j'ai bâti ma vie et mon écriture sur ce vol.
Ce soir, ce privilège sans précédent dans l'histoire du musée m'a pourtant été accordé, à moi, qui n'ai ni Homère ni Platon dans mon sac, mais la biographie de Lord Elgin. »A. M.
Traduit de l'italien par Béatrice Robert-Boissier
Dans le cadre de cette collection très romanesque « ma nuit au musée » qui catapulte des écrivains dans un musée le temps d’une nuit, l’auteur a choisi de la passer dans le musée de l’Acropole où précisément il manque la moitié des marbres du Parthénon. Elle a emporté avec elle la biographie de l’auteur de ce sac, Lord Elgin, qui entamait une charmante expédition artistique et a terminé son voyage en pillage organisé.
Du coup on s’interroge…elle va donc passer sa nuit dans un musée à moitié vide avec des statues décapitées…et c’est là le tour de force justement de cette helléniste passionnée.
On ressent très précisément ce manque, cette absence, ce sacrilège et la dette millénaire que l’on ne pourra jamais repayer à la Grèce. Et pas seulement à cause des marbres.
Elle entrelace son histoire personnelle avec celle d’un rapt monstrueux, elle rend palpable cet outrage difficilement compréhensible en 2023. Et cela même pour ceux comme moi qui n’ont aucune connaissance en tant que spécialiste pour juger de la valeur artistique des sculptures de Phidias.
« Le faussaire se fait voleur »
Elle évolue ainsi pieds nus dans le musée pour ne pas troubler les vestiges d’une autre époque et nous rappelle aussi tout ce que nous avons dérobé à la Grèce Antique, ce que nous lui devons et prenons comme si cela nous appartenait jusqu’aux marbres du Parthénon.
Comme pour « la langue géniale », c’est une belle déclaration d’amour à la Grèce antique, ce « miroir et aimant de notre imperfection ».
C’est aussi une évocation de ce lien parfois inconscient avec cette Grèce antique, « leurs âmes sont devenues les nôtres ».
Une vraie nuit de repentance en notre nom, pour les actes commis par Lord Elgin et tous ceux qui pillent la Grèce.
Pour la petite histoire, la Grèce ne sera pas seulement vengée par Lord Byron, mais la malédiction d’Athéna s’abattra sur Lord Elgin.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !