"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Il y a beaucoup de raisons pour ne pas écrire cette quatrième de couverture, j'habite une maison affligée de coups de téléphone et de valises, un futur lourdement ironique me provoque, et ce dont je dois parler est enclos dans le conteneur patient du passé.
Le passé, nous le savons par expérience et par conviction, est l'erreur. Le passé est fait de ce que nous n'avons pas fait, de ce que nous aurions dû faire, et dont nous savons pertinemment que nous ne le ferons jamais. Le passé hypothèque jusqu'à notre futur et, n'ayant jamais étudié le sanscrit dans les années de notre enfance, nous n'écrirons pas un mémorable essai sur les Veda. La présente accumulation de préfaces s'ouvre, par exemple, sur un texte consacré au Magasin d'antiquités de Charles Dickens qui, c'est l'évidence même, se trouve en lieu et place d'une mémorable recherche sur la Cabale et le Golem, en sus d'une grammaire comparée des langues sémitiques, que des circonstances atmosphériques m'ont empêché de mener à son terme.
Puisque le passé est le dépôt des erreurs, et puisque le présent texte est un lieu du passé, une sorte de gargote dans laquelle les erreurs en viennent à sangloter les unes sur les épaules des autres, un lieu sombre et sordide, où dialoguent à voix basse des affirmations immotivées, je ne peux nier qu'un tel sentiment de foire, de lunapark, de fête funèbre gouverne cette assemblée de compères. Ici se disposent des paroles qui parlent de phrases, des phrases qui commentent des paroles, des pages à propos de livres et, enfin, un livre traitant de pages.
Le procédé est imprécis, généreux, aventureux, irresponsable. Je pourrais dire qu'il s'agit d'une façon de faire plutôt sotte, n'était le fait qu'une bonne éducation réciproque, un accord tacite, empêche le signataire (et non l'auteur) et le texte de se livrer à des voies de fait. Il est de notoriété publique que lorsque les Fiancés de Manzoni, ou l'Histoire de la littérature italienne, rencontraient leurs signataires respectifs, ils les saluaient d'un aimable coup de chapeau.
Tout ce que je puis dire en faveur de cet acte littéraire, qui effleure le code pénal, c'est seulement, selon les critères généralement acceptés, qu'il n'appartient pas à la critique, genre littéraire à propos de l'existence de laquelle je nourris, courtoisement mais fermement, certaine méfiance. Si les parlottes, les cancans, les palabres, les dithyrambes tragiques, les amusements vous intéressent, bref, si vous vous mettez sur les traces des choses inutiles - qui ne sont pas si faciles à dénicher -, peut-être y a-t-il ici quelque miette, quelque bribe pour des palais capricieux mais peu exigeants.
S'il fallait dater ces mots d'un lieu, je les daterais de l'Auberge de l'Ecrevisse Rouge. Giorgio Manganelli.
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