"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Intriguée par la couverture, le résumé mais aussi par la communication qui a précédé la publication du roman (j’ai reçu une lettre et un message rédigés par Rose Dessable), j’avais hâte de le découvrir.
Ce livre oscillant entre roman épistolaire et journal intime, est un concentré d’émotions, plein de belles images et de sentiments.
Rose part en Amazonie, ou plutôt elle prend la fuite. Pourquoi ? Pour le découvrir il faudra lire le livre.
Rose est une femme accomplie à qui tout réussit. C'est une journaliste réputée. Une mère aimante de deux grands enfants. Une amoureuse qui a quitté son mari pour un jeune amant. Une artiste en devenir dont le premier single caracole en haut des hit-parades. Et voilà qu'un jour, elle laisse un mot sur la table, sans prévenir, pour dire qu'elle est partie réaliser un documentaire sur les chamans péruviens pour une durée indéterminée, laissant tout son entourage sidéré par la brutalité de l'annonce.
Valérie Fayolle a imaginé une structure narrative aussi réussie qu'originale pour raconter l'histoire de Rose qui n'aura accès qu'une petite heure par jour à son téléphone au fin fond de la jungle amazonienne. Tout le roman est construit sur les échanges épistolaires par mail entre Rose et ses proches, ainsi que quelques pièces jointes au courrier électronique et fragments du journal intime de Rose. Evidemment, il y a un petit côté artificiel au procédé mais cela marche extrêmement bien : la vivacité et la variété des échanges maintiennent un intérêt constant, avec un suspense lisible qui repose sur les causes du surprenant départ de Rose.
Par touche, se compose sous nos yeux un magnifique portrait de femme qui évolue. La Rose qu'on avait cru percer au départ n'est plus celle des dernières pages. Une femme dans toute sa complexité qu'on apprend à aimer ( elle n'est pas forcément très sympathique tant que sa décision de fuir est nimbée de mystère ) : une femme libre, qui vit à 100 à l'heure mais sait écouter son instinct, audacieuse même lorsqu'elle cherche à cacher sa vulnérabilité.
Et c'est très beau de la découvrir à un moment de sa vie où elle a besoin d'une pause, de vivre l'instant pour le savourer, d'un vrai lâcher prise. Son séjour dans la communauté chamanique péruvienne la bouscule et la pousse à regarder le monde différemment. L'autrice retranscrit parfaitement la fascination pour cette culture animiste à laquelle Rose ne comprend rien mais dont elle perçoit toute la poésie à regarder plus loin en incluant esprits et animaux. Cette « concordance des équilibres instables » entre une femme qui touche son point de non-retour et une Amazonie en péril est très touchante.
Ce portrait féminin se double d'un portrait familial tout aussi concluant, avec ses non-dits, sa poussière sous le tapis, ses dysfonctionnements, ses mystères. A côté de Rose, il y a la fille qui passe son bac, très proche de sa mère ; le fils en colère qui balance cash ; le mari abandonné dont l'amour perdu confine à l'aigreur ; et l'amant dont l'ego prend un coup avec le départ énigmatique de Rose. Valérie Fayolle effeuille lentement ses personnages et nous surprend. J'ai ainsi particulièrement apprécié l'envergure que prend la fille dans l'introspection de cette famille qui apprend à aimer sans être en permanence dans le reproche de l'autre.
Juste un petit bémol sur la fin - qui fonctionne - mais que j'ai trouvée un peu emphatique ; je l'aurais préféré plus intimiste.
Rose Dessables mène une vie en apparence parfaite : celle d’une femme épanouie, d’une mère comblée et d’une artiste en devenir. Mais, sur un coup de tête, elle plaque tout pour partir au Pérou au prétexte de réaliser un film documentaire sur les chamans. Derrière cette décision incompréhensible se cache en réalité une fuite éperdue. Mais pourquoi fuir toute sa vie, tout laisser en plan, et notamment sa famille pour partir au fin fond du Pérou rencontrer des chamans ?
Ce beau roman épistolaire a été une belle surprise et m’a permis de sortir de ma zone de confort.
Le voyage de Rose au cœur de son âme, mais également dans la nature sauvage d’une Amazonie ravagée par les flammes, à la découverte d’un univers et de pratiques qui lui sont inconnues, est un lent chemin de reconstruction alors qu’un nouveau monde s’ouvre à elle et qu’elle trouve petit à petit une harmonie. La question du secret de Rose, dont des indices sont savamment et doucement distillés au fil des pages tient en haleine tout au long de l’histoire de cette femme attachante qui trouve la force, au travers de l’écriture, de communiquer avec ses proches les mots qu’elle n’arrivait pas à prononcer.
Je lis très peu de récits épistolaire et ai été séduite par le dynamisme de la narration : les échanges de mails entre les différents personnages, Rose, son mari , son « petit ami » et ses enfants, permettant au travers de leur style de découvrir leur personnalité, ainsi que les extraits du journal intime de Rose apportent un côté très intime à l’intrigue, la rendant d’autant plus intéressante.
Pour conclure, j’ai trouvé La robe du jaguar aussi surprenant que beau. J’ai été ravie de découvrir la plume agréable de @valeriefayolle qui m’a offert un beau moment de lecture.
La robe de jaguar est la métaphore qui permet à Valérie Fayolle d’illustrer le moment, souvent fugace, où l’harmonie entre soi et l’environnement est accomplie. Rose, quarantenaire, va la découvrir au fin fond de l’Amazonie. Un roman mené tambour battant autour d’un personnage féminin captivant qui aborde aussi des sujets graves et d’actualités.
« Les cours d’eau sortent bien de leur lit. Pourquoi ne quitterais-je pas le mien ? » À partir de ce constat, Rose Dessables se confie à son énième et dernier carnet, dans l’avion qui la conduit à Lima. Le lecteur en est le témoin. Non seulement, Rose y détaille ses sensations dès le début de son voyage mais elle répond avec assiduité aux emails que chaque membre de sa famille lui envoie. Il y a Adrien le mari, Jim le bellâtre beaucoup plus jeune, Élise, 22 ans, et Alexandre, l’aîné de ses grands enfants.
Le lecteur s’immerge dans les relations intimes à travers les différents emails. Pour l’un, c’est une procédure de divorce à signer ; pour sa fille, ce sont ses examens à soutenir; et pour son fils, l’image d’une mère à désacraliser pour imaginer construire une relation durable avec une autre femme. Sa plongée en pleine Amazonie est à l’inverse d’un voyage de confort. Le jeûne demandé, les marches forcées, la solitude imposée entament prodigieusement la confiance du lecteur dans le choix de Rose.
Mais de réticente vis-à-vis de ces rites, Valérie Fayolle la décrit, au fur et à mesure de son voyage, respectueuse des croyances ancestrales de ce peuple. Ainsi, un monde merveilleux s’ouvre à notre perception. Seulement, la forêt est fragile et même cet endroit ancestral, qui savait se suffire à lui-même, risque de connaître sa limite.
« Je suis ici en pèlerinage, pour regarder à l’intérieur de moi. »
Une seule idée occupe la tête du lecteur, qui scrute les indices à chaque page, pour découvrir la véritable raison de Rose d’avoir quitté son confort, sa famille et la vie qu’elle s’était attachée à construire. Évidemment, Valérie Fayolle joue avec notre impatience, même si, plus tard, elle saura, aussi, parfaitement nous émouvoir.
Le personnage de Rose est terriblement attachant. De douce folle, nous affinons nos perceptions jusqu’au respect qu’elle provoque à la fin du roman. Bref, Valérie Fayolle propose un portrait féminin soigné et crédible ancré dans notre quotidien. De plus, la construction épistolaire rend vivante notre attachement aux personnages.
La robe du jaguar, avec sa belle couverture, raconte la renaissance d’une femme, d’une famille à partir d’un univers menacé. L’écriture vive de Valérie Fayolle devient sensible pour décrire le cheminement de son personnage principal. Le lecteur s’attache à cette belle histoire, bien croquée, qui ne cherche pas à donner des leçons, juste divertir, intelligemment !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/04/29/valerie-fayolle-la-robe-de/
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