"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ce livre a été proposé par l'intime festival de Namur. Nous avons eu la chance et l'honneur de participer à une lecture et à un échange avec l'auteur. Ce dernier est polonais mais ayant fait ses études en dehors de la Pologne, il choisira l'anglais pour langue d'écriture.
Nous sommes donc en Pologne, cette Pologne aux portes des évènements liés à l'avènement du syndicat Solidarnosc. Un groupe d'adolescents va être, comme de coutume, envoyé dans les camps de travail pour travailler la terre. Des liens, des émotions, vont naitre notamment entre le narrateur et l'un des adolescent du groupe. Ile prendront des chemin de traverse.
Les sentiments ne sont jamais remis en cause ni en question. L'honnêteté, l'amour, l'envie ne sont jamais l'objet de doute.
Pourtant, l'approche politique de l'existence va venir s'immiscer entre les deux jeunes hommes. Tout est incidieux. Tout est évident de chaque côté. Le raisonnement, la posture de chacun est incontournable pourtant et malheureusement leur conception, leur rapport au pouvoir, à la corruption, aux petits et grands compromis sont absolument opposés.
La qualité d'écriture est, de mon point de vue, assez inégale. Assez "fade" pour le début puis la construction s'affine et l'agencement de l'écriture devient efficace, poétique, fine. Je me suis questionnée sur la qualité peut -être hétérogène de la traduction.
Toutefois, j'ai profondément apprécié ce livre. J'ai aimé l'histoire entre ces deux adolescents puis deux adultes et j'ai été fascinée par le fait d'appréhender ce thème de la prise de conscience politique comme barrière entre les êtres. Et ce nonobstant, tout l'amour qui les unit. J'ai trouvé ce roman déchirant au bon sens du terme.
Sa lecture n'en reste que partielle, car je n'ai pas encore lu "la chambre de Giovanni" de James Baldwin qui est le livre de chevet du narrateur. Livre qu'il partagera secrètement avec son amoureux/amant.
Tomasz Jedrowski nous ayant confié que James Baldwin est, dans la réalité, son auteur de référence, il me semble évident, nécessaire et indispensable de lire ce livre en complément pour considérer cette lecture totalement bouclée.
Dans cette attente, je suis passé très très près du coup de coeur et vous encourage à retrouver très vite les nageurs de la nuit.
C'est un magnifique premier roman que nous propose Tomasz Jedrowski.
Ludwik, le narrateur a 22 ans en 1980, il termine ses études de lettres à l'université de Varsovie. Il participe à un camp d'été, un camp de travail obligatoire où il devra arracher des betteraves ... pour valider son cursus ...
C'est dans ce camp qu'il va rencontrer Janusz, à qui il adresse ce récit rédigé à la seconde personne.
Ludwik raconte son enfance. Élevé par sa mère et sa grand-mère, refoulant en lui sa nature, il se souvient déjà enfant son attirance pour Beniek.
C'est lors de cet été 80, à la campagne q'il va enfin devenir lui-même, tomber amoureux de Janusz.
Un livre interdit en Pologne les réunit ; "La chambre de Giovanni" de James Baldwin publié en 1956.
Cette rencontre se passe dans les annés 80, période où la Pologne, dictature communiste impose des pénuries et de longues queues de rationnement, c'est la période de l'émergence de l'opposition, de Solidarność et de la répression.
On va suivre l'histoire de Ludwik et Janusz avec en filigranes l'Histoire de leur pays. Ils ont des points de vue diamétralement opposés, Janusz voulant s'inscrire dans la ligne du parti, Ludwik étant révulsé par les injustices de son peuple.
C'est magnifiquement écrit. La plume est élégante, mélancolique, envoûtante. J'ai beaucoup aimé les scènes au bord du lac où la nature est excessivement bien décrite.
Un très beau récit qui nous raconte une éducation sentimentale et politique, un climat social extrêmement tendu, la honte et le poids d'un secret, la peur mais aussi la recherche de la liberté.
Coup de ♥
Les jolies phrases
L'égoïsme. Devenir soi-même n'est rien d'autre.
La façon dont tu me regardais m'a fait comprendre que tu ne jugeais pas. Dans la vie, on ne rencontre pas tant de gens qui nous donnent cette impression.
La liberté, c'est avoir ce dont on a envie, ai-je dit avec soin. C'est choisir par soi-même.
Quand j'avais terminé, une fois mon corps déchargé, je chassais ces pensées, loin dans les recoins de mon cerveau. Et pourtant je me réveillais avec les mêmes images fixées dans ma tête, comme des mouches attrapées au ruban collant. Des années de désir comprimé comme un muscle à la pulsation impitoyable. J'étais comme une flamme laissée allumée sans raison sur la gazinière.
Ce n'était pas du divertissement, du dépaysement : c'était un livre qui paraissait avoir été écrit pour moi, qui m'emportait dans son monde pour m'unir à quelque chose qui semblait être là depuis toujours et dont je semblais faire partie. J'avais l'impression que les mots et les pensées du narrateur - malgré leur souffrance, malgré leur tourment - guérissaient un peu de ma souffrance et de mon tourment, par le simple fait de leur existence.
C'est ainsi que je vivais à l'époque : à travers les livres. Je m'enfermais dans leur histoire, je rêvais de leurs personnages la nuit, je me prenais pour eux. Ils étaient mon armure contre les arêtes dures de la réalité. Je les emportais partout avec moi, comme un talisman dans ma poche, et ils me semblaient presque plus réels que les personnes autour de moi, qui parlaient et vivaient dans le déni, destinées à ne jamais rien faire qui mérite d'être raconté, pensais-je.
Certaines choses ne peuvent être effacées par le silence. Certaines personnes ont ce pouvoir sur nous, que cela nous plaise ou non. Je commence à le comprendre. Certains êtres, certains événements peuvent nous faire perdre la tête. Comme une guillotine, ils coupent notre vie en deux, ils séparent le vivant et le mort, l'avant et l'après.
Le pire est peut-être de n'avoir personne à qui parler, personne qui puisse ouvrir la fenêtre pour renouveler l'air de ces interrogations qui sentent le renfermé. Je sais que je finirai par avoir besoin de trouver quelqu'un à qui me confier.
Peu importe ce qui se produit dans le monde, si brutal ou dystopique que soit l'événement, tout n'est pas perdu s'il y a des gens qui risquent leur vie pour en rapporter un témoignage. Les petites étincelles causent elles aussi des incendies.
Je pense que c'est le désespoir qui l'a tuée. Á force de ne faire que des choses en lesquelles elle ne croyait pas, elle devait être morte à l'intérieur depuis des années avant que son corps ne finisse par renoncer à son tour.
Nous faisons simplement la queue pour une possibilité, pour quelque chose, peut-être pour rien, a-t-elle dit avec son sourire triste et affectueux. Mais ça passera, mon petit. Même la plus longue file d'attente finit par se dissoudre.
Tu ne peux pas forcer les gens à t'aimer comme tu le voudrais.
https://nathavh49.blogspot.com/2023/08/les-nageurs-de-la-nuit-tomasz-jedrowski.html
Un texte écrit à la première personne, une sorte de lettre qu'un homme écrit à un autre homme. Lui est installé aux Etats Unis et son ami est resté en Pologne. Ludwik pense énormément à lui car il entend à la radio ce qui se passe en Pologne.
En 1980. Ludwik et Janusz, étudiants, tombent amoureux lors d'un camp d’été à la campagne. Mais de retour à Varsovie, sous le joug d’ un Parti omniprésent et menaçant, leur relation secrète devient dangereuse. Ludwik et Janusz sont confrontés au choix d’une vie : Faut-il (se) trahir pour protéger celui que l'on aime ?
Ce texte parle tout en nuances de la découverte de l'amour de Ludwik pour les garçons, de belles pages sur ce jeune garçon, devenu son ami à l'école et qui a disparu rapidement car juif, il est parti avec sa famille en Israel. Mais ce texte nous parle aussi de l'adolescence, des choix de vie dans la Pologne de ces années 80. Faire des études universitaires puis accepter un poste de fonctionnaire (comme le fera Janusz) ou continuer et tenter de faire une thèse de doctorant en littérature, mais attention aux choix du sujet. L'auteur a de belles pages sur la littérature et rend un très beau hommage au texte de Baldwin "la chambre de Giovanni ", lu sous le manteau car interdit en Pologne. Il parle très bien de ce climat délétère, de ce sentiment d'être perpétuellement surveillé, épié. De belles pages sur sa mère et sa grand mère. Il parle de la société polonaise, des différentes classes sociales, des descriptions des queues aux épiceries (quel beau portrait de sa modeste logeuse) mais aussi des plus nantis, qui n'ont pas de problème pour leurs études, leurs avenirs et passent des weekend dans de beaux châteaux.
Un texte qui nous entraîne dans des questionnements si intimes du narrateur mais est aussi le portrait de Varsovie et de ses différents quartiers et la Pologne des années 80.
#LesNageursdelanuit #NetGalleyFrance
C’est des Etats-Unis où il s’est réfugié il y a un an que Ludwik apprend par la radio que la loi martiale a été décrétée dans la République socialiste de la Pologne ce 13 décembre 1981.
Il peine à dormir, le souvenir de son pays, de sa famille et de ses amis resurgit. Celui de Janusz surtout, ce jeune homme qu’il avait rencontré lors d’un camp de travail pour étudiants. C’était le roman interdit en Pologne et obtenu clandestinement « la chambre de Giovanni » de James Balwin qui les avaient rapprochés, faisant naître un amour lui aussi interdit dans un pays qui condamne l’homosexualité.
A la fin du camp ils étaient partis ensemble sillonner les campagnes, y avaient trouvé un endroit magnifique et isolé au bord d’un lac, à l’orée d’une forêt de pins où ils avaient profité paisiblement du temps qui s’écoulait pour s’aimer librement à l’abri des regards tout en sachant que la fin des beaux jours s'approchait inexorablement avec leur retour à Varsovie.
C’est avec beaucoup de sensibilité et une douce mélancolie que Tomasz Jędrowski nous offre cette histoire d’amour naissante entre deux jeunes hommes aux idéologies très différentes. Car si l’amour les réunit, tout le reste les sépare.
A travers cette histoire, c’est tout le paysage politique de la Pologne qui est dépeint, de la purge antisémite à la fin des années 60 jusqu’au début des années 80 avec le renforcement de la censure et l’apparition de mouvements de protestation contre la pauvreté et les inégalités sociales.
«Les nageurs de la nuit» est un beau premier roman qui nous emmène sur les vagues d’un amour condamné à rester dans l’ombre et relance la réflexion sur la définition personnelle de la liberté.
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