"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
C'est un texte court ,très facile à lire qu'il serait bien intéressant d’étudier en cours pour susciter le débat . C'est un magnifique plaidoyer sur la notion de justice pour tous qui fait qu'une démocratie reste une démocratie .Au moment où certaines pensées obscures refont surface ,où certaines solutions extrêmes sur la manière de faire justice titillent les esprits ,Thierry Illouz nous fait une belle déclaration d'amour à ce métier qui ressemble souvent à un sacerdoce.Sans jamais se départir d'une ligne de conduite liée à ses origines modestes ,l'auteur nous fait part de ses questionnements sur certaines dérives sociétales dans nos facilités à nous projeter facilement en tant que juge et partie.
L'époque est à l'étiquette ,aux préjugés, à la scission et aux lignes droites qui ne laissent plus de place aux belles valeurs humanistes .C'est en sortant une belle carte de sa manche d'avocat pénaliste que dans son essai ,cet auteur brandit ses convictions profondes pour une justice avec un grand J qui pourra se targuer d'avoir su garder la tête haute (sans jamais la couper )
Pourtant ,à l'aube de sa 3eme robe qui semble se profiler("On dit dans le métier qu'on nous enterre avec la 3eme),on sent comme une certaine mélancolie lasse liée sans aucun doute à la charge qui lui incombe et c'est sans ambages que notre auteur nous fait part avec une pudeur tout en retenue de certaines de ses fragilités qui n'entachent en rien la force de son propos .
Souhaitons que le cours des événements lui évite cet achat pour qu'il conserve la 2em robe et que son talent d’écrivain lui permette d'en préserver le tissu .
Thierry Illouz, avocat pénaliste depuis trente ans, tente de répondre à la question qui lui a été si souvent posée : « vous défendez tout le monde, même les monstres ? »
A travers son histoire personnelle de fils de rapatrié, parqué dans un HLM en banlieue après la guerre d'Algérie, juif, stigmatisé, abandonné par le pouvoir et celle d'un de ses camarades de classe, devenu le meurtrier de six personnes, il veut démontrer que les circonstances de la vie ont fait de son copain un meurtrier mais pas un monstre et de lui un avocat.
Pour lui on ne naît pas meurtrier, on le devient pour paraphraser une célèbre citation ; il n'y a pas de monstre inné mais des hommes qu'un contexte social et familial défavorable et un élément déclencheur ont conduit au meurtre.
Cet essai n'est pas l'exposé d'une théorie philosophique mais l'expression brute d'un ressenti qu'une écriture simple, directe et rapide nous fait partager. Il est émaillé d'exemples précis et concis et Thierry Illouz n'hésite pas à faire appel à des souvenirs personnels ce qui en rend la lecture facile et attrayante, le propos de l'auteur atteignant ainsi son objectif par la proximité qu'il établit avec le lecteur .
Ce plaidoyer pour ceux qui sont qualifiés de monstre par la presse, la partie civile mais que l'auteur voit comme des hommes perdus, à la dérive, hors d'eux, qu'il faut prendre le temps d'écouter, fait plus pour s'interroger que tous les articles et discours politiques ou d'experts sur ce sujet éminemment sensible.
Ce texte est pétri de sincérité, d'une conviction profonde et même si l'on peut ne pas partager toutes les idées de l'auteur, il fait mouche ; une fois le livre refermé, il continue à faire son oeuvre de réflexion et de questionnement.
Lorsque l'on choisit de devenir avocat, on doit, pour exercer cette profession, prêter serment devant la Cour d'appel de son Barreau. Au cours de cette cérémonie, l'avocat en devenir s'engage à respecter les principes essentiels de la profession. Il jure, comme avocat, d'exercer ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. Alors lorsque l'on choisit de devenir avocat pénaliste, on peut être amené à défendre tout genre d'individu. De celui qui a commis un simple larcin, à celui qui a assassiné, violé. Alors comment peut-on défendre de tels êtres ? Sont-ils seulement défendables ? Thierry Illouz est avocat pénaliste, avec Même les monstres, il lance un appel.
Thierry Illouz exerce depuis trente ans. Sa vocation est née de son histoire. Il a grandi en Picardie dans une cité de rapatriés. La misère, celle qui fabrique les monstres défendus aujourd’hui, il l'a côtoyée par le passé. Convaincu que l'identité de tout un chacun se construit au fur et à mesure de la vie, il dit ce que vivent les gens, raconte les quartiers, les immeubles, l’argent qui manque, l’absence de reconnaissance. Il voudrait oser les mots ghetto, stigmatisation, relégation. Il voudrait appeler à la clémence, au doute. Il voudrait que l’on se soucie des abandonnés. Même les monstres est un essai par lequel Thierry Illouz voudrait qu’enfin on regarde l’autre, celui qui se trouve dans le box des accusés. Celui qui nous effraie, celui que l’on condamne. Et qu’il est urgent de comprendre.
Thierry Illouz est rarement du côté des parties civiles, il défend ceux que l'on accuse. Mais comment fait-il ? Comment peut-on défendre un pédophile, un assassin, en un mot, un monstre ? L'avocat l'affirme, le monstre n'existe pas. C'est un fantasme, un raccourci pour enfermer une personne, cet autre déshumanisé. Cet autre que l'on ne cherche pas à comprendre. Thierry Illouz l'avoue, il a de l'empathie pour ceux qu'il défend. Mais attention précise t-il, défendre n'est pas excuser. Tout comme être accusé n'est pas synonyme de culpabilité. Trop souvent, les médias, la Société actuelle ont tendance à faire fi de la présomption d'innocence, comme pour mieux satisfaire la vindicte populaire. Or, Maître Illouz le rappelle, la présomption d'innocence est un droit fondamental. Le doute doit toujours bénéficier à celui qui est mis en cause. La Justice a besoin de temps, c'est une des conditions essentielles pour la rendre dignement. Du temps pour comprendre, du temps pour regarder, pour observer, du temps pour défendre, du temps pour protéger la Société, du temps pour (ré)insérer.
À travers différentes affaires, Thierry Illouz illustre ses convictions. Il humanise toutes les parties qui composent un procès. Il évoque également le traumatisme de la prison, ce châtiment populaire qui ne remplit pas nécessairement la finalité de la sanction, protéger la Société et (ré)insérer. Même les monstres est un essai qui honore son auteur. Sa démarche est noble, humaine. Loin d'être un super héros, Maître Thierry Illouz est un avocat qui n'a pas oublié le serment qu'un jour il a prêté.
Je remercie vivement les Éditions L'iconoclaste et vous encourage à lire cet essai.
https://the-fab-blog.blogspot.com/2019/02/mon-avis-sur-meme-les-monstres-de.html
« Je voudrais défendre autrement. Je voudrais sortir des prétoires, sortir des salles d’audience. Je voudrais m’installer une tribune de fortune sur les places publiques comme certains illuminés le font parfois et appeler à la clémence, à la considération, appeler au doute, appeler à comprendre. Je voudrais qu’on dise e que vivent les gens. Je voudrais qu’on raconte les immeubles, les caves, les couloirs, qu’on raconte l’argent et le plaisir qui manquent, la reconnaissance qui manque. .. Et surtout , je voudrais parler hors des tribunaux, je voudrais quitter cette robe dont je sens qu’elle réprouve soudain cette confession »
Thierry Illouz est avocat. Un avocat iconoclaste (tiens donc ! ) . Il met en effet son talent au service de ceux que l’on retrouve dans le box des accusés, ceux livrés à la vindicte populaire, ceux que l’on nomme « monstres ».
« Le mot monstre ne nomme pas, ne désigne pas, le mot criminel nomme, le mot meurtrier nomme, le mot assassin nomme, le mot fou nomme, mais le mot monstre, lui, ne nomme pas »
L’auteur raconte. Son propre déracinement. Ce besoin de creuser les mots, les sentiments, les actes, les âmes. Ce besoin aussi de dire. De dénoncer. Dénoncer la violence sociétale, qui engendre ces mêmes êtres humains dont il va, un jour, croiser le chemin, les Misérables, ceux qui effraient, ceux que l’on condamne. La parole de l’accusé, du présumé coupable, est indissociable de celle de la victime et permet à celle-ci d’être reconnue en tant que telle. Il ne s’agit bien sûr pas d’excuser, mais d’expliquer De décortiquer. L’acte et ses racines. Ses racines profondes. Il dit le bruit effroyable des clés en prison, ce lieu « secret et terrible ». Il dit les fossés, les douves , les silences.
« Défendre, ce n’est pas épouser le mal, ni la faute, ni le crime. Défendre, c’est ôter au mal une chance d’être le mal, c’est –à-dire une idée réfractaire à toute compréhension, à toute histoire. Défendre, c’est épuiser l’idée du mal »
Thierry Illouz présente une vision de la Justice que je trouve belle. Oui, belle. Et humaine. J’aime son regard sur les cités ghettos, les banlieues oubliées, les écoles délaissées, les mots qui stigmatisent, les racines qu’il faut taire, les déracinements qui font mal. J’aime cette idée qu’il est urgent de regarder l’autre.
Même les monstres est un essai-uppercut, l’un de ceux qui vous font réfléchir, forcément, sur votre propre regard sur le monde qui vous entoure, sur votre capacité à « juger » peut-être un peu trop vite. C’est également un sublime hommage à la littérature, aux bibliothèques, aux auteurs qui se sont levés et ont dénoncé.
« J’ai entre les mains ce livre, les Misérables. Je tremble. Ces mots, leur force, leur précision. Ces personnages si réels, si palpables : Cosette, Gavroche, Jean Valjean, et les Thénardier, et les rues de Paris. Je les absorbe, ils font partie de moi. Et quand je regarde alors mon quartier, mes amis, mes camarades de classe, je ne peux à aucun moment considérer cette histoire interminable des Misérables comme l’élucubration d’un vieux poète »
C’est une plaidoirie magistrale. En faveur de l’humanité des hommes. C’est pour moi un énorme, énorme coup de cœur !
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