"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Bataille et Panh continuent leur formidable travail d'introspection sur le génocide Khmer rouge au Cambodge en 1975. Ici la question du deuil possible est abordée avec beaucoup de délicatesse sans jamais tomber dans le documentaire didactique ou lénifiant. Comme d'habitude, on s'approche du pire avec la lucidité nécessaire pour pouvoir intégrer la logique du mal et une idéologie malade. Ainsi, naturellement et avec une belle intelligence, atteindre cette indispensable paix avec les morts devient possible.
Rithy Panh est un cinéaste d'origine cambodgienne.
En 1975, il avait 13 ans, quand les khmers rouges ont pris le pouvoir à Phnom Penh et que s'est installée la dictature de Pol Pot.
Le maître mot du nouveau régime : l'élimination.
Elimination des comportements individuels, élimination des anciennes élites, élimination des ressources, élimination des prénoms réduits à une seule syllabe, élimination des individus ...
Pendant les quatre années de ce régime, le petit Rithy va assister à la mort des membres de sa famille, de son père à ses petits neveux.
De camps de travail, des rizières aux hôpitaux où il triera les cadavres, il surmontera les blessures, les mauvais traitements, échappera aux tortures, mais pas aux souvenirs indélébiles.
Dans cet ouvrage, il se confronte à l'un de ses démons, "Duch, le maître des forges de l"enfer", responsable du centre S21, qu'il a mis en images, pour garder la mémoire, ne pas oublier et honorer les disparus.
Récit bouleversant, tout aussi fort que lés témoignages de la Shoah, d'une histoire tellement plus récente.
Récit d'un survivant, toujours assailli par des images, des sons, des cauchemars.
Ouvrage indispensable pour connaître cette histoire récente de l'Asie du sud-est.
C’est à un voyage hors du commun que nous convient Rithy Panh et Christophe Bataille, huit ans après leur livre L’élimination - un voyage vers l’enfance et vers les rizières où furent tués, par l’idéologie, la faim et la violence, 1,8 millions de Cambodgiens. Le grand cinéaste cherche les lieux où furent enterrés les siens : le tombeau de son père, dans la glaise ; la fosse où furent englouties sa mère et ses sœurs. Mais aussi le grand banyan où il s’abrita, désespéré, à treize ans, avec ses bœufs – sur cette colline, les khmers rouges n’osaient pas s’aventurer.
Rithy Panh et Christophe Bataille roulent à travers le pays, s’arrêtent, parlent avec les bonzes, questionnent les villageoises âgées, grattent la terre et trouvent des ossement, des tissus ensanglantés. L’oubli guette, et la négation. Et Rithy Panh poursuit son chemin, cherchant la paix avec les morts et tissant un rapport unique avec les vivants, qu’il côtoie, victimes, bourreaux, complices, anciens cadres khmers rouges : le travail de connaissance ne cesse pas, à hauteur d’hommes.
Selon la tradition cambodgienne, lorsqu’une personne meurt d’une mort violente et sans sépulture, son âme erre, et sa famille a charge de la retrouver et de l’apaiser. Un jour Rithy Panh a pris la route. Il a dit à ses proches qu’il allait retrouver ses parents, ses sœurs, ses frères qu’il allait parler aux morts, s’asseoir à leurs côtés et leur donne un tombeau. En 1975, en quelques heures la ville de Phnom Penh a été vidée de ses deux millions d’habitants. Rithy Panh va donc suivre le chemin des morts et nous raconter leur histoire.
J’aime beaucoup les livres-témoignage qui rendent compte d’une réalité aussi cruelle soit-elle, ici il est question du génocide perpétré par les Khmers rouges au Cambodge.
Ce m’a intéressé dans cet ouvrage c’est la méthode utilisée par Rithy Panh pour faire témoigner, des victimes, des survivants, des bourreaux dont le terrible Duch, directeur du camp S21 un camp de torture et d’extermination, Duch qui ne reconnaît rien de ses crimes. On ne ressent aucune haine, simplement la recherche de la paix, d’une sorte de sérénité.
J’ai apprécié la démarche de l’auteur, mener le combat de la connaissance, échapper aux désirs de vengeance. Mais dire la vérité, même si elle est crue, la vérité doit être dite, ne pas la raconter est un aspect de la négation.
Alors Rithy Panh nous raconte l’insoutenable. Les camps d’extermination, les tortures, les cadavres à perte de vue, femmes hommes, enfants, bébés le crâne fracassé, même si c’est cru, la vérité doit être dite. Les interrogatoires et les confessions obtenues à coups de fils électriques et d’os brisé. Organiser la famine, car la faim est un outil de mort. Des corps de partout que les charrues des agriculteurs font ressortir. Les rats qui déterrent les cadavres, tout mort est devenu de l’engrais. Les gens dorment sur des morts.
Rithy Panh aborde deux thèmes récurrents des grands crimes contre l’humanité le négationnisme et le rôle des avocats qui défendent les criminels.
« Dès lors qu’un avocat accepte de défendre, il veut gagner. À tout prix. Il n’y a plus de chemin intermédiaire. Je prouverai donc qu’il n’y a pas eu crime. Et si crime il y a eu, mon client n’y est pour rien. Peut-être le témoin a-t-il inventé ? Menti ? Lui-même tué ? La défense est aussi une idéologie. »
Livre après livre, Rithy Panh revient inlassablement sur le génocide perpétré par les Khmers rouges dans son pays natal, le Cambodge entre 1975 et 1979, dans cet étrange voyage il semble s’apaiser, il a réussi à faire la paix avec ses morts. Sans aucun doute, c’est cette sérénité, cette quiétude cette paix intérieure qui m’a interpellé. Un livre émouvant, dur, profond et lumineux malgré le sujet évoqué.
« Il y a l’écriture de la négation. Il y a l’oubli, l’esquive, le chagrin, la colère. Et il y a de la paix. C’est celle que je propose... »
Merci infiniment à Lecteurs.com de m'avoir proposé cette lecture.
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