"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Cène révolutionnaire…
En France, au paroxysme de l’époque de la Terreur en l’An II, à ventôse ou plutôt nivôse, le peintre François-Elie Corentin est convoqué à Paris par Proli en l’église Saint Nicolas sombre, vidée de son activité religieuse et remplacée à moitié par une écurie.
« Tu veux honorer une commande, citoyen peintre ?
Alors Corentin dit à Proli que cela dépendait si c’était dans ses cordes, de la hauteur des gages et de la date d’échéance. La livraison devait se faire au plus tôt. D’un sac ruisselèrent quantité de pièces d’or à une époque de telle disette. Quant à ce qui était demandé :
« Tu sais peindre les dieux et les héros, citoyen peintre ? C’est une assemblée de héros que nous te demandons. Peins-les comme des dieux ou des monstres, ou comme des hommes, si le cœur t’en dit. Peins ‘Le Grand Comité de l’An II’. Le comité de salut public. (…) Mets-les tous ensemble (…) comme des frères. »
Le narrateur qui reste inconnu parle à un ‘Monsieur’ tout pareillement inconnu mais qui, eux, vivent à notre époque puisqu’ils parlent de ce tableau accroché dans le fond d’une des ailes du Louvre et protégé par une vitre pare-balle.
Ce tableau, c’est le héros du livre où il est décrit avec force détails. Et c’est Pierre Michon qui va le peindre ce tableau, du bout de sa plume, qu’il nous fait imaginer sur une toile de 4m30 sur un peu moins de trois.
Il va même pousser, comme on crée des couleurs, jusqu’à inventer des mots que certains lecteurs pourraient être furieux de ne pas en comprendre le sens et d’autres heureux d’enrichir ainsi leur vocabulaire !!!
« Vous les voyez Monsieur ? Tous les onze, de gauche à droite : Billaud, Carnot, Prieur, Prieur, Couthon, Robespierre, Collot, Barère, Lindet, Saint-Just, Saint-André. Invariables et droits. Les Commissaires. Le Grand Comité de la Grande Terreur. »
Alors je dois dire que s’il n’y avait pas eu Google, j’aurais été voir au Louvre. Mais Google a tout dévoilé…
Pour corser les choses, Pierre Michon mixe sa fiction en racontant l’Histoire vraie de cette terrible époque que fut la fin de la révolution française et je me suis sentie obligée de réviser un peu mon Histoire de France.
Une lecture érudite et magnifiquement stylée, riche en surprises !
Mais comment pouvoir avoir oublié un tel livre dans ma Pile A Lire ! ?
C’est brillant de finesse et de précision (comme toujours chez Michon) et de créativité pour raconter un moment de l’Histoire de France avec le Comité de Salut Public pendant la Terreur, à partir d’un tableau « qui n’existe » (comme le Marsupilami), pas plus que le peintre François-Elie Corentin.
Michon joue avec la réalité, la création (en faisant preuve d’une capacité rare de manipulation jouisive dans sa réécriture du réel) et il se découvre parfois comme le 12 ème homme !
A lire et relire !
Années 1960, dans le Bourg de Castelnau en Dordogne .
Au sein du Périgord préhistorique, entre Lascaux et La Madeleine.
Pierre, jeune instituteur fraichement débarqué tombe amoureux fou d'Yvonne, la belle buraliste, bien plus âgée que lui.
Acheter son paquet de Marlboro quotidien devient source de phantasmes. Yvonne le hante, sa taille, sa tenue, ses formes ne font qu'accroitre son Désir.
Un désir sexuel affirmé qu'il traduit dans son quotidien au contact d'une Nature luxuriante et féconde.
Yvonne qui entretient le mystère en se révélant chaque jour davantage au gré de ses balades improvisées.
Pierre Michon est un artisan des mots, un magicien de la grammaire et des images .
Tout est métaphore dans ce court roman .
L'auteur convoque la préhistoire (dont la région est chargée) pour illustrer son propos.
La couverture du roman à elle seule donne le ton (une roche sur laquelle des mousses sont accrochées et qui ressemble étrangement au tableau de Gustave Courbet; L'Origine du monde)
Un ouvrage autour du désir sexuel masculin. L'exploration des grottes comme "l'ouverture ", la découverte de la femme et du plaisir .
Un roman majuscule, un miracle de 163 pasges...
Ne passez pas à côté ! (féministes enragées, passez votre chemin !)
Michon nous offre une ode au désir intemporel, minéral et charnel, fait de grès et de liquide ; de cette eau qui coule de la "Grande Beune" et de la "Petite Beune" qui se jettent dans la Vézère en Dordogne / Périgord. Dans ce haut lieu des grottes et des arts préhistoriques.
Des flots qui illustrent le temps qui passe et la permanence de l’histoire et des amours ; des amours et des désirs.
Il est encore bien vert Michon en prolongeant ses premiers écrits sur cette rencontre d’un jeune instituteur et d’une buraliste, nous offrant une histoire (d’amour) dans les années soixante, avec sa qualité (et densité) d’écriture.
Un vrai plaisir … de lecture.
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