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Nadia Henni-Moulai raconte son cheminement de fille d'immigrés algériens, d'une cité populaire de région parisienne aux bancs de la Sorbonne. Elle se questionne également sur sa place dans la République française.
[..En France, je suis française, mais il y a toujours des moments où on te fait sentir que tu es exogène par rapport à un certain récit national. Je suis une incarnation de ce qu'un jour la République fut avec tous ses travers et ses contradictions. Quand tu es en Algérie, tu es l'immigrée. Finalement dans les yeux des autres, je ne suis à ma place nulle part mais j'ai décidé d'être à ma place partout. C'est ça l'hybridité…]
Elle essaie en même temps de reconstituer l'histoire de son père, qui sans être un secret était restée tue. Elle sentait bien qu'il n'était pas que ce retraité analphabète menant une vie tranquille et bien réglée. Elle tente donc de retracer son destin : un indigène kabyle sous la colonisation française qui ne rêve que de liberté. Il croit l'avoir trouvée à Paris, en tout cas il lutte pour elle avec les indépendantistes du FLN et devra ensuite vivre avec ses démons, les conséquences de ses actes.
Je trouve son point de vue original, car son père n'est pas un immigré économique « classique » fuyant la misère. Sa famille vivait correctement, mais il avait véritablement la fureur de vivre. Il quitte tout d'abord son village kabyle trop tranquille pour Alger. Il fait du stop, vagabonde, dort à le belle étoile, n'hésite pas à faire le coup de poing.
L'étape suivante est bien sûr été Paris. Là encore son physique et son allure le différencient d'un ouvrier immigré. Il est fier, se tient droit, il a des rêves et des ambitions. Il va être rattrapé par la marche de l'histoire et devient membre du FLN mais sans naïveté.
[..Les puissants n'ont jamais honte de rien. A regarder mes deux pays, c'est ce que j'ai appris. « Avec leur face de cuir, jamais ils ne rougissent » c'est un proverbe kabyle…]
Autre point de vue que je trouve fort intéressant, Nadia Henri-Moulai refuse d'être assignée au rôle de victime de racisme. Elle veut renverser le rapport entre l'auteur de propos racistes, forcément méprisants, et l'agressé
Elle voudrait signifier une autre dimension de l'histoire algérienne, un aspect héroïque : les algériens ont certes été les victimes d'une colonisation violente mais ils sont des battants, ils l'ont combattue vaillamment. Certains se sont conduit en héros pendant la guerre d'indépendance, et dans les divers mouvements, soulèvements populaires qui ont eu lieu depuis.
J'ai aimé les positions inédites et surtout positives de l'auteure sur les immigrés et leurs descendants. Il semble fondamental que les enfants d'immigrés algériens s'interrogent et interrogent l'histoire et se l'approprient en dehors des avis officiels. Cela ne pourrait qu'aller dans le sens de l'apaisement des plaies, des non dits, des malentendus toujours présents entre l'Algérie et la France.
[…On ne choisit pas entre la France et l'Algérie. On cherche sa place et puis parfois, on parvient à fabriquer sa propre hybridité….]
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