"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Difficile d’écrire sur ce livre estampillé « roman » qui frôle l’autofiction, tant l’emploi du « tu » pour narrer les 40 dernières années de la protagoniste nous fait penser à quelqu’un (l’autrice ?) qui se parlerait à lui-même, jeune. Ca sonne tellement vrai, réaliste, on ressent tellement le vécu, qu’on ne peut s’empêcher de penser que Martine Roffinella parle d’elle dans ce livre.
A travers le récit d’amours contrariées et désavouées par sa famille dès l’adolescence, l’autrice nous emmène sur les traces d’une personne de soixante ans détruite par la bêtise humaine, l’homophobie, les mots blessants, les phrases assassines, traumatiques, qui vont la conduire à vouloir se suicider, les actions violentes à son égard, comme son propre père qui pointe une arme contre elle lorsqu’il apprend son orientation sexuelle. Ce traumatisme va perdurer toute sa vie durant dans ses rapports aux autres et principalement dans ses relations intimes avec des femmes qui seront destructrices, malsaines, sous le signe de la dépendance et de l’humiliation. L’alcoolisme sera son quotidien pour supporter tout cela, qu’elle pense mériter malgré tout. Elle sera bancale à vie, et ne tombera que sur des femmes toutes aussi bancales. Elle culpabilisera d’être invertie, et ne connaitra que des amours sans lendemains.
Le fil rouge de ce « roman » assez court (140 pages) peut être un certain romantisme qui lui fait croire régulièrement au grand amour, celui qui lui donnera envie d’aller à Venise, endroit où on scelle l’amour, par définition. Au final, après moultes tentatives d’amours avortées, la protagoniste en quête d’identité et de reconnaissance fait un flashback des 40 dernières années, et se dit qu’elle n’ira jamais dans la ville des amoureux. D’où le titre qui prend sens : Venise Off.
Ayant l’âge de la protagoniste et de l’autrice, j’ai moi-même connu des ami(e)s qui ont subi des traumatismes similaires, donc ce récit me parle, je retrouve dans ce « roman » des propos entendus, vrais, vécus. Mais malgré des airs de sincérité, malgré le fait qu’on croit volontiers à cette histoire commencée à une époque où l’homosexualité était encore considérée comme une maladie, l’écriture m’a gênée. Les phrases sont courtes et sans aucune ponctuation, ce qui donne un rythme très particulier qui m’a dérangé. Au fil des pages, on s’habitue un peu à cette écriture corrosive, un brin violente, comme le texte qu’elle porte, mais les débuts de lecture ont été difficiles.
Je remercie les Editions La Manufacture de livres pour l’envoi de ce livre. J’ai découvert une autrice, particulière, cabossée mais sincère qui écrit avec ses tripes.
Un grand merci à NetGalley et aux Editions François Bourin de m’avoir offert la possibilité de lire ce roman.
C’est un roman comme je les aime. On navigue entre réel et imaginaire. Sibylle, qui a travaillé durant plusieurs années dans une agence de publicité, a été licenciée ce qui l’a conduit à développer un certain nombre de troubles obsessionnels compulsifs qui occupent la plus grande partie de ses journées et de ses nuits. Elle s’applique à tout vérifier plusieurs fois.
Elle considère que Capucine, une jeune femme fraîchement arrivée dans l’agence, est la cause de son renvoi.
Le langage franglais utilisé tout au long du roman répond certainement aux attentes de l’imaginaire collectif qui voit les publicitaires comme des personnes « dans le move », appartenant à une diaspora disposant de leurs propres codes, tant au niveau langage que vestimentaire.
A travers des entretiens avec son psy qu’elle appelle Papa-Psy, elle raconte ses obsessions. Mais finalement, on en vient à douter de tout, de l’existence de ce psy, de la véracité de ses propos. Raconte-t-elle la réalité qu’elle a vécu ou bien décrit-elle un scenario tant de fois retourné dans sa tête qu’elle en a imaginé les moindres détails et semble si réel qu’elle ne sait plus faire la part des choses.
On oscille tout le long de la lecture entre la réalité et l’imaginaire de Sybille. On doute, on vacille, on ne sait plus que croire.
J’imagine la perplexité et la frustration d’un esprit cartésien face à un tel roman, ne parvenant pas à démêler le vrai du faux, le fantasme du réel. C’est justement cette frontière floue qui laisse à chacun sa libre interprétation qui me plait dans ce roman. Chacun est libre d’évaluer le degré de folie de Sybille.
Grandeur et décadence! Si «Sa Sainteté P.Y.», son chef, a surnommé Sibylle la «Reine de la pub», c’est qu’elle était douée. Elle a du reste connu son heure de gloire lorsqu’un Grand Prix lui a été décerné pour le slogan «Conservez comme vous aimez», conçu pour faire vendre des boîtes en plastique. C’était la période où tout le monde la jalousait, où elle voyait l’avenir en rose bonbon, où son franglais lui laissait entrevoir du high potential, où elle était fit for future, où winning rimait avec earning.
Mais les bonnes choses ont un temps, surtout dans l’univers impitoyable de l’entreprise et particulièrement dans celui de la pub, comme Frédéric Beigbeder nous l’a démontré avec 99 francs. Quand Capucine, la «Princesse commerciale», se dit qu’il lui faut pincer fort pour grimper dans ce panier de crabes, l’ascension de Sibylle va immédiatement s’arrêter. Pire même, comme sa collègue à désormais l’oreille du Directeur, elle va réussir son entreprise de démolition et envoyer Sibylle pointer au chômage. Une fin aussi brutale qu’injuste, une violence économique qui va tout d’abord la laisser exsangue. Seules les petites pilules blanches qu’elle prend à heure régulière rythment désormais sa vie. À la dépression viennent en outre se greffer quelques troubles obsessionnels du comportement. Mais comme à la roulette, quand rien ne va plus, la boule n’a pas encore trouvé la case dans laquelle elle s’arrêtera. Celle de Sibylle s’immobilise dans la case «vengeance». Ceux qui ont juré sa perte se sont sans doute réjouit trop tôt. On a beau avoir les dents longues, cela n’empêche pas de se faire mordre à son tour. Et de quelle manière!
Mais je vous laisse découvrir ce plat qui se mange froid.
Revenons plutôt sur le style de Martine Roffinella qui nous entraîne dans une sorte de conte moderne particulièrement cruel, mais qui se goûte comme un bonbon acidulé. Derrière le sucre, l’amertume arrive sans prévenir. Derrière les mots du marketing, de la performance et du jargon publicitaire viennent se greffer ceux d’une femme blessée qui peu à peu reprend du poil de la bête pour finir en vengeresse impitoyable. Avec en filigrane quelques questions existentielles: l’entreprise peut-elle fonctionner différemment dans un monde qui érige l’argent et le pouvoir comme seule mètre-étalon? Le personnel est-il condamné à être constamment sous pression? La solidarité entre femmes ou entre collègues est-elle définitivement à bannir du monde de l’entreprise? Faute de pouvoir y répondre, la romancière dresse un constat glaçant et donne à ses lecteurs des pistes de réflexion. Ce qui n’est déjà pas si mal, non ?
https://urlz.fr/bOIe
http://www.echappee-litteraire.fr/2016/04/gwendoline-arrete-de-fumer.html
Gwendoline est surnommée depuis son enfance "La trotteuse". En effet, elle est très à cheval sur la ponctualité, elle est obsédée par le temps et dans sa vie, absolument tout est réglé à la seconde près. C'est aussi une grande fumeuse alors, lorsque la Loi Evin apparaît, la loi "anti-fumeur" son temps se dérègle. Elle se retrouve en décalage avec le reste des gens. Le temps fait des siennes, elle se retrouve en avance par rapport au reste du monde, elle qui d'habitude est si ponctuelle et si obsédée par ça.
C'est une lecture que j'ai beaucoup appréciée. Le style m'a beaucoup plu, et c'est un livre prenant, qui se lit plutôt rapidement. Gwendoline est un personnage que j'ai appréciée, elle est emplie de toc, d'obsession. Le fait d'être en avance de quatre minutes l'a rend complètement folle, elle se retrouve obligé de tout calculé pour que personne ne se rende compte de cette avance, elle qui, en plus, est gardienne de l'ordre du temps.
Je me demandais bien comment tout ça allait se finir et le moins qu'on puisse dire c'est que j'ai été surprise par la fin. Après, je pense que chacun interprétera celle-ci à sa façon.
Une très bonne lecture en somme au style très plaisant et avec une héroïne obsédée mais plutôt attachante.
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