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Mario Vargas Llosa

Mario Vargas Llosa
Les premiers romans de Mario Vargas Llosa, écrivain espagnol d'origine péruvienne né à Arequipa en 1936 - s'inspirent d'une jeunesse mouvementée : les relations difficiles avec son père, le collège militaire (« La ville et les chiens », le déménagement à Piura (« La maison verte »),... Voir plus
Les premiers romans de Mario Vargas Llosa, écrivain espagnol d'origine péruvienne né à Arequipa en 1936 - s'inspirent d'une jeunesse mouvementée : les relations difficiles avec son père, le collège militaire (« La ville et les chiens », le déménagement à Piura (« La maison verte »), la bohème à Lima (« Conversation à la Cathédrale »), la vie de journaliste (« La tante Julia et le scribouillard) trouvent des échos très présents dans ses romans. Réalité et fiction se trouvent si étroitement mêlées que lui-même avoue parfois douter de ce qui sépare l'une et l'autre. Au-delà de son expérience personnelle, l'oeuvre offre un panorama complet et saisissant de vérité concernant un pays, le Pérou, avec lequel il entretient des rapports passionnels souvent difficiles. Vargas Llosa ne se contente pas de parsemer de « petits faits vrais » la description de son pays de cette seconde moitié de siècle mais embrasse tous les aspects de la réalité. La détresse d'une grande partie de la population tient dans les descriptions hallucinantes de Lima et de ses bidonvilles ou dans ces épiques scènes de beuveries qui jalonnent « Lituma dans les Andes » où le pisco et la chicha soulagent les peines. Mario Vargas Llosa dresse un inventaire minutieux de l'ensemble d'hommes différents (Indiens quechuas ou d'Amazonie, Espagnols, Métis) par la langue, les coutumes et les traditions, dont le seul dénominateur commun est qu'ils ont été condamnés par l'histoire à vivre ensemble sans se connaître, sans s'apprécier. C'est probablement « Conversation à la Cathédrale » qui exprime le mieux son pessimisme politique à propos du Pérou où gouvernements « démocratiques » et régimes militaires se succèdent pour conduire le pays au désastre. L'espoir d'un avenir meilleur est mince là où la corruption et l'incurie des dirigeants n'a d'alternative que quelques groupuscules communistes (minorités éclairées censées guider la plèbe arriérée), modestes ancêtres du sinistrement illustre Sentier Lumineux. Sans doute, est-ce la justification de son engagement dans la vie politique de son pays. Après avoir refusé le poste de Premier Ministre au début des années 80 dans le gouvernement de Terry Belaúnde, après de nombreuses prises de position idéologique, il se présente aux élections présidentielles de 1990. La campagne électorale se déroule dans un climat de violence, entretenu par les nombreux attentats terroristes du Sentier Lumineux avec de surcroît des attaques personnelles incessantes qui le présentent comme un pervers et un pornographe : « ...la preuve en était mon roman « Eloge de la marâtre », qui fut lu entièrement, à raison d'un chapitre par jour, sur Canal 7, chaîne publique, aux heures de plus grande écoute. Une présentatrice, en dramatisant sa voix, avertissait les maîtresses de maison et mères de famille d'avoir à écarter leurs enfants car elles allaient entendre des choses abominables. Un présentateur procédait alors, avec des inflexions mélodramatiques aux moments érotiques, à la lecture du chapitre. Puis l'on ouvrait le débat, où des psychologues, sexologues et sociologues apristes m'analysaient. » (« Un poisson dans l'eau ») Le programme politique, quant à lui, n'a rien de l'originalité de l'oeuvre littéraire, considérant qu'en politique il n'est d'autre remède que d'être réaliste, contrairement à la littérature, activité plus libre et plus durable. Il prône un libéralisme économique « made in Britannia » s'inspirant de l'exemple de Margaret Thatcher. Pour juguler l'inflation qui avoisinait les 3000%, pour venir à bout du manque de logements, de travail, d'assistance médicale, de transport, d'éducation, d'ordre, de sécurité, il fallait un « shock », une révolution libérale telle que l'avaient connue le Japon, Taiwan, la Corée du Sud et Singapour en choisissant le développement vers une industrialisation et une modernisation des plus rapides. Malgré des sondages favorables jusqu'à la veille des élections, il est battu par Alberto Fujimori. Inconnu des Péruviens quelques semaines plutôt, « l'ingénieur » a su profiter des points faibles de son adversaire. Plus encore que « l'antimilitarisme » ou « l'antinationalisme » dont on l'accuse, ce sont sa fortune et son athéisme que l'opposition politique exploite dans un pays où la misère est le lot quotidien. Cette défaite et cet échec personnel cuisant ne lui enlèvent pas son franc-parler et sa propension à donner son avis sur tout. On le voit engager des polémiques avec de nombreux intellectuels tels que Günther Grass, Salman Rushdie et surtout Gabriel García Márquez. Il reproche à ce « courtisan de Fidel Castro » son adhésion à la Révolution cubaine qui « prend souvent l'allure de la bigoterie religieuse ou de l'adulation » (« Contre vents et marées ») alors que d'autres déclarations lui valent souvent des réactions dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles sont passionnées. Mario Vargas Llosa ne laisse personne indifférent mais bien plus que l'hostilité que peuvent générer certaines de ses idées politiques - il tient toujours une chronique dans le quotidien espagnol « El país » -, c'est son talent d'écrivain qui suscite l'admiration. Son immense capacité d'évocation de la réalité lui permet de démonter les rouages de cette société péruvienne fondée sur le machisme et sur le mythe de la réussite sociale avec, toujours en contrepoint des situations tragiques du quotidien, l'humour et l'ironie qui aident à rendre l'horrible supportable.

Avis sur cet auteur (41)

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    Couverture du livre « Aux Cinq Rues, Lima » de Mario Vargas Llosa aux éditions Gallimard

    Dominique Jouanne sur Aux Cinq Rues, Lima de Mario Vargas Llosa

    En racontant une histoire tendue et noire où se mêlent chantage, sexe, dénonciation, fake news, abus de pouvoir, assassinats au sein d’une société péruvienne tenue sous le joug de la peur d’un gouvernement militaire et policier féroce et corrompu où les kidnappings sont monnaie courante, Mario...
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    En racontant une histoire tendue et noire où se mêlent chantage, sexe, dénonciation, fake news, abus de pouvoir, assassinats au sein d’une société péruvienne tenue sous le joug de la peur d’un gouvernement militaire et policier féroce et corrompu où les kidnappings sont monnaie courante, Mario Vargas Llosa nous entraine dans un Lima qu’il connait bien.

    Encore une fois, il dénonce le gouvernement d’Alberto Fujimori pour qui il invente un scandale d’État basé sur ce qui aurait pu être plausible quand on connait aujourd’hui tous les faits d’accusation incroyables dont l’ex-Président fait l’objet et qui ont fini par l’envoyer en prison avec son homme de main.

    Somme toute, j’ai trouvé beaucoup de crédulité dans cette histoire et d’autre part une forte charge érotique en doublon qui vient border et alourdir le récit sans en comprendre le rapport ou l’intérêt sinon que l’auteur s’est fait plaisir à l’écrire.

    Pas le roman que je préfère de l’auteur nobélisé que j’aime lire par ailleurs.
    Roman récréatif rapidement lu.

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    Couverture du livre « Le tour du monde en 80 textes (ou presque) » de Mario Vargas Llosa aux éditions L'herne

    Madame Tapioca sur Le tour du monde en 80 textes (ou presque) de Mario Vargas Llosa

    L’info ne vous a sans doute pas échappée : Mario Vargas Llosa, l’écrivain péruvien naturalisé espagnol, Prix Nobel de littérature, a fait son entrée, la semaine dernière à l’Académie Française. J’ai donc sans le préméditer, collé à l’actualité en lisant ce recueil de textes que nous propose les...
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    L’info ne vous a sans doute pas échappée : Mario Vargas Llosa, l’écrivain péruvien naturalisé espagnol, Prix Nobel de littérature, a fait son entrée, la semaine dernière à l’Académie Française. J’ai donc sans le préméditer, collé à l’actualité en lisant ce recueil de textes que nous propose les éditions de L’Herne.

    Voyageur infatigable, pas un seul endroit du globe ne semblent avoir résisté à l’écrivain. Ses nombreux périples lui ont souvent été matière à fiction mais ici, de Tahiti à Rome, de Jérusalem à Lima, de Saint Pétersbourg à Berlin, on découvre le journaliste avec des articles de presses qui sont l’occasion pour Vargas Llosa de livrer ses réflexions et de nous faire voyager essentiellement par le prisme de la littérature. Les bibliothèques autour du monde, la maison de Dostoïevski, une rencontre avec Borges, une exposition sur Proust, sa pharmacopée littéraire pour soigner la peur de l’avion, etc.. Spectateur avisé du monde qui l’entoure, ses textes écrits sur le vif cristallisent toutes les qualités d'écriture de ce Phileas Fogg.

    Malgré ses opinions politique très discutables et l’évasion fiscale présumée révélée par les Panamas Paper, ce recueil démontre si besoin était l’immense talent de Vargas Llosa.

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    Couverture du livre « Journal de guerre » de Mario Vargas Llosa aux éditions La Martiniere

    catherine a sur Journal de guerre de Mario Vargas Llosa

    J'aime beaucoup les textes romanesques de Mario Vargas Llosa, et en particulier les premiers textes péruviens.
    Cette fois ci, ce texte est un récit de son séjour en Irak en juin 2003, au début de cette guerre qui a duré de nombreuses années. Il est allé en Irak avec sa fille, photographe de...
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    J'aime beaucoup les textes romanesques de Mario Vargas Llosa, et en particulier les premiers textes péruviens.
    Cette fois ci, ce texte est un récit de son séjour en Irak en juin 2003, au début de cette guerre qui a duré de nombreuses années. Il est allé en Irak avec sa fille, photographe de guerre, pendant 12 jours.
    Ce texte est le recueil de plusieurs reportages, de ces impressions et de ces rencontres avec des protagonistes. Je n'ai pas été emballée par ce texte et pourquoi éditer des reportages de 2003. Bien sûr, Mario Vargas Llosa a une plume et décrit très bien la guerre, sa violence et les pillages des "Ali Baba". Il fait des rencontres de civils, des universitaires qui subissent les méfaits de cette guerre, des soldats américains qui déjà se demandent ce qu'ils font là.
    J'ai donc été déçue par cette lecture mais cela m'a donné envie de (re)lire certains de ses romans. Et préfère l'écrivain, académicien, que le journaliste et le personnage de journaux people et ses amours qui s'étalent sur les pages de certains journaux.
    #JournaldeGuerre #NetGalleyFrance

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    Couverture du livre « La fête au bouc » de Mario Vargas Llosa aux éditions Folio

    Catherine Giry-Deloison sur La fête au bouc de Mario Vargas Llosa

    Après trente-cinq ans d'absence, Urania est de retour à Saint-Domingue, ville qui l'a vue naître. Elle s'apprête à revoir son père qu'elle avait jusqu'alors voulu effacer de sa mémoire. Devenu un vieillard impotent et aphasique, celui-ci fut le sénateur Agustin Cabral, un proche de Trujillo,...
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    Après trente-cinq ans d'absence, Urania est de retour à Saint-Domingue, ville qui l'a vue naître. Elle s'apprête à revoir son père qu'elle avait jusqu'alors voulu effacer de sa mémoire. Devenu un vieillard impotent et aphasique, celui-ci fut le sénateur Agustin Cabral, un proche de Trujillo, avant de tomber en disgrâce.
    Trois histoires s'enchevêtrent dans ce récit dense : celle d'Urania, celle du dictateur et celle de ceux qui le liquidèrent en 1961.
    Mais c'est bien celui que les flatteurs nomment Excellence, le Bienfaiteur, le Père de la Nouvelle Patrie, le Généralissime et, en catimini, le Bouc, symbole de pulsion sexuelle, qui est au cœur du roman de Mario Vargas Llosa qui explore, avec un grand réalisme documentaire, les ressorts du fonctionnement d'une dictature.
    Manipulations, mensonges, corruption, humiliations, torture, éliminations, tout est bon pour se maintenir au pouvoir. Mais les tyrans finissent souvent mal. Surtout quand ils sont lâchés par leurs alliés, en l'espèce les États-Unis et l'Église.
    Si « La Fête au Bouc » est passionnant pour les raisons précitées, il souffre d'un trop-plein de personnages et de redondances qui donnent envie de pratiquer la lecture en diagonale. Ce que j'ai fait !

    http://papivore.net/litterature-hispanophone/critique-la-fete-au-bouc-mario-vargas-llosa-gallimard/