"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Hospitalisé en urgence à Madrid, le narrateur apprend qu'il est atteint d'une grave tumeur au poumon et que son espérance de vie ne saurait dépasser trois mois.
Sous l'effet de la fièvre et des calmants, il perd la notion du temps, son passé remonte en flashs décousus « Tout se mélange. Tout se noie dans une nébuleuse proche du songe » . Trois jours et trois nuits de divagations d'où surgissent, en désordre, des fantômes lointains. Il revit sa vie « au gré du hasard, dans un cadavre exquis, chaque mot faisant appel à un autre »
Le roman retrace la parcours d'un être au parcours chahuté qui depuis son enfance « a cultivé le mythe de l'artiste maudit » et a connu, entre Madrid, Londres, Berlin et Paris, la galère, les drôles de boulots, les squats, la drogue, les amour masculines.
Cette autofiction prend l'allure d'une tragi-comédie picaresque où le rocambolesque le dispute au comique, où l'émotion voisine avec la truculence. La relation de cette situation de délire mental où est placé le personnage entraîne des situations cocasses, souvent décoiffantes, des scènes peuplées d'êtres pittoresques, aux traits grossis.
Si le contenu du roman semble débridé, la construction en est rigoureuse .
En alternance avec les chapitres de voyage intérieur dans le passé, chacun y traitant d'un moment ou d'un personnage particulier, l'auteur place des chapitres sur le quotidien hospitalier de ce Clinico, établissement public « sorte d'usine cahotique qui fonctionne « avec la moitié du personnel, un tiers du matériel et l'approximation comme étendard » (On comprendra à la fin du roman – que je ne dévoilerai pas - ce que recouvre cette « approximation ») .
C'est dans ces chapitres que le narrateur, reprenant temporairement contact avec le présent, évoque, de façon tout aussi savoureuse, des relations avec les soignants, les autres malades, sa famille. C'est aussi là que la dimension espagnole du roman apparaît. Le narrateur revenant sur la guerre d'Espagne et le passé républicain de son père, y apparaît comme un anticlérical et un anti-franquiste qui décèle, malgré l'avancée apportée par la période de la Movida, les indices du retour d'un extrémisme droitier.
J'ai passé un agréable moment à la lecture de ce roman surprenant, sorte bateau ivre voguant sur un flot délirant de souvenirs.
C'est difficile de rendre compte de la richesse de ce livre, à la fois empli de nostalgie, d'humour, de drame, de bonheur, composé de personnages attachants que la vie n'épargnera pas et écrit avec un regard plein de douceur et d'humilité, se permettant toutefois quelques fantaisies réjouissantes et surtout de faire sonner espagnol avec les mots du français. Le lecteur que je suis s'est coulé avec facilité dans ces souvenirs et s'est trouvé emporté dans un passé aujourd'hui bien révolu, parfois fellinien (je sais, il est italien mais tous ses estropiés, ces infirmes, ces foetus, ...) mais surtout admirablement recomposé par une plume sensible et honnête. L'ajout à la fin du roman de quelques chapitres contemporains, aux personnages au bout du rouleau, symbolise pudiquement l'état actuel de l'Espagne, pays que l'auteur a définitivement rangé au rayon des souvenirs.
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