"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Il a fallu une rencontre lors du Printemps du Livre de Grenoble 2024 pour motiver ma lecture de La Louisiane, l’impressionnant roman de Julia Malye qui a écrit cela en anglais puis en français.
Ce pavé de plus cinq cents pages impressionne en effet mais la présentation faite par l’autrice m’a intrigué et suscité ma curiosité. Ces femmes expédiées en Louisiane, colonie française, afin de tenter de peupler ce territoire, ont vécu des épreuves incroyables, surmonté des obstacles impressionnants et La Louisiane se révèle un bel hommage, une sortie de l’ombre absolument méritée.
J’ai beaucoup aimé la façon dont Julia Malye mène son récit. Chacun des douze chapitres annonce son personnage central et l’année où l’action se déroule. Si Geneviève, Pétronille et Charlotte se partagent la vedette, il ne faut pas oublier Marguerite et Utu’wv Ecoko’nesel. La première ouvre l’action, en 1720. Elle dirige La Salpêtrière, immense établissement occupé par des cellules, des dortoirs et des ateliers. C’est elle qui a eu l’idée d’envoyer des dizaines de femmes de l’autre côté de l’Atlantique, femmes que réclame M. Joly de Fleury, le gouverneur. Ce dernier veut quatre-vingt-dix futures mères à offrir à des maris potentiels afin d’augmenter le peuplement sur les bords du Mississipi.
Alors, Julia Malye fait bien vivre toutes les hésitations, les choix de cette femme qui dirige La Salpêtrière depuis cinquante-et-un ans.
Julia Malye, bien documentée, fait visiter La Salpêtrière, en détaille toutes les parties, explique le rôle de chaque section pour ces femmes, ces filles qui se trouvent là, contre leur gré, pour la plupart. On y trouve La Grande Force, une prison, mais aussi un quartier pour femmes riches. En même temps, l’autrice permet de découvrir le Paris de ce début du XVIIIe siècle.
C’est aussi le moment de faire connaissance avec la jeune orpheline, Charlotte, avec Pétronille, une aristocrate rejetée par sa famille, et avec Geneviève, emprisonnée parce qu’elle a aidé des femmes à avorter. Comment ne pas être féministe en lisant le sort réservé aux femmes depuis des siècles ?
Marguerite réussit à faire adopter sa liste de quatre-vingt-dix femmes malgré les avis contraires concernant surtout Charlotte, trop jeune, et Geneviève, condamnée à la prison.
Avec le départ pour la Louisiane, l’histoire devient de plus en plus passionnante et ma hâte de tourner les pages, de plus en plus intense. Julia Malye n’occulte rien, surtout pas le déplacement chaotique jusqu’à Paimbœuf puis Lorient. Le bateau qui doit emmener son lot de femmes, plus du bétail, se nomme La Baleine. C’est un trois-mâts qu’il a fallu remettre en état avant que les passagères, encadrées par trois nonnes et quelques policiers, ne goûtent au mal de mer. Elles sont cantonnées dans l’entrepont et devront faire preuve de patience et de malice pour respirer l’air libre et rencontrer quelques pirates...
De son écriture vivante et pleine de délicatesse, Julia Malye fait quelques retours en arrière dans le passé de ses trois héroïnes et cela permet de mieux les comprendre.
Dans la partie II, les voilà, en 1721, à Biloxi, ville dont le nom signifie, en amérindien, les premiers hommes. Il faut lire les aventures, les épreuves que subissent ces femmes, obligées de se marier. La Nouvelle-Orléans apparaît aussi et c’est l’occasion de constater que la solidarité déjà vue sur La Baleine, se poursuit entre ces femmes alors que Geneviève qui vient d’avoir une fille, Mélanie, a dû suivre son mari au Pays des Illinois. Il faut naviguer en pirogue sur le Mississipi et c’est là qu’apparaissent les Natchez et Fort Rosalie.
Avec Utu’wv Ecoko’nesel, La Louisiane se bonifie grâce aux pertinentes réflexions de cette jeune Natchez devant la façon de vivre des Français. Ces autochtones, comme on peut aussi les nommer, ne comprennent rien aux mœurs des colons qui ont capturé des Africains pour en faire des esclaves. C’est toujours pertinent, plein d’émotion et je suis pris par le suspense entretenu par l’autrice lorsque le drame se prépare.
Enfin, on ne peut pas parler de la Louisiane sans évoquer les ravages causés par les ouragans et ce livre offre une terrible immersion – c’est le mot le plus juste – au cœur de la tempête qui peut tout noyer et tout emporter.
Geneviève, Pétronille et Charlotte, personnages fictifs mais tellement réels m’ont permis un formidable voyage dans le passé, un passé qui se connecte trop bien avec notre vingt-et-unième siècle, prouvant ainsi que notre monde n’a finalement pas tellement évolué.
Avec La Louisiane, Julia Malye a réussi une performance littéraire que je tiens à saluer car ce roman m’a fait passer d’intenses moments.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/11/julia-malye-la-louisiane.html
Une grosse déception pour ce roman, que j'ai terminé, mais très péniblement. C'est dommage, car tout me plaisait dans le synopsis et je voulais surtout retrouver un peu du roman Mille femmes blanches de Jim Fergus ; malheureusement, cela n'a pas été le cas. En même temps, il est très difficile d'égaler ce chef-d'œuvre !
Cependant, le roman reste intéressant à certains moments, même si je trouve que les personnages ne sont pas assez travaillés
Un livre de femmes écrit par une femme dont j'ai entendu une interview à LGLibrairie:cela s'annonçait passionnant!mais si les destins douloureux de ces pionnières en Louisiane nous émeuvent;j'ai été perturbée par la longueur du roman et la multiplication des personnages secondaires...Autre sujet de perturbation:la débauche descriptive qui nuit à l'intérêt de la narration à mon sens,cela n'enlève rien au talent de cette autrice.Lu sans réel déplaisir...
En 1720, elles sont pensionnaires de la Salpêtrière ou de la Grande Force. Ce sont des femmes ou des filles qui ne peuvent plus rien attendre de la vie à Paris. Soit orpheline, abandonnée à la naissance, comme Charlotte, soit internée par la famille, trop indépendante, trop singulière, pas dans le moule voulu par la famille comme Pétronille, soit ayant osé devenir ces faiseuses d’anges qui aident les femmes mais sont condamnées par la société, comme Geneviève.
Geneviève, Charlotte, Étiennette, Pétronille, sont sélectionnées pour peupler la Louisiane, cette terre française où sont déjà installés les hommes à qui il faut trouver des épouses qui leur feront de nombreux enfants pour vite peupler le pays. Soit disant volontaires, mais en fait quelle belle opportunité de se débarrasser de ces femmes encombrantes. Indispensable aussi qu’elles soient en âge de procréer, ce qui a cette époque signifie à partir de 13 ans.
Après un long périple de Paris jusqu’au Havre, elles embarquent à bord de la Baleine, l’un des vaisseaux qui ont emmené de nombreuses femmes, ou hommes, dans ces contrées lointaines, sauvages et inhospitalières de la Louisiane.
Nous les suivons tout au long de leur voyage. Geneviève, Charlotte et Pétronille plus précisément. La sélection des femmes à l’arrivée, quand il faut vite leur trouver un mari, ou plutôt les attribuer à chaque homme cherchant à fonder une famille, ou ayant besoin d'une femme pour gérer le quotidien. Elles restent plus ou moins soudées, bien que ne se connaissant pas au départ, les jours et les jours de voyage ont créé un lien. Certaines restent à Mobile et sur l’embouchure du fleuve, d’autres partent au loin vers les territoires indiens.
Chacune vit tout ce que les femmes vivent alors, violence intra-familiale, coups, pauvreté, enfants à la chaîne, soumission à l’homme seul maître à bord du foyer.
Leur amitié, bien que précaire et souvent superficielle résiste au temps, mariages, naissances, deuils, solitude, famille, violences, au climat, aux ouragans, à tout ce
Un roman qui me faisant envie, mais par moment je me suis ennuyée, beaucoup de longueurs, et des personnages pas vraiment attachants, ou alors trop de personnages qui passent et nous perdent. Pourtant, j’étais très intéressé par la période, le sujet, l’idée de parler de ces femmes restées dans l’ombre, la façon dont les familles se débarrassaient d’elles, puis comment l’institution de la Salpêtrière les a envoyées dans des conditions déplorables sur des terres inhospitalières et souvent hostiles, pour plaire au pouvoir et remplir des cases. Je ne me suis pas sentie assez immergée dans le territoire, cette Louisiane hostile qu’il faut dompter pour s’y installer durablement.
J’ai aimé y retrouver la réalité de la conditions féminine de l’époque, quand les femmes ne sont jamais indépendantes, restent soumises au père, au frère au mari, et même à l’autorité administrative si en plus elles possèdent des terres.
Intéressant passages sur les indiens Natchez, en particulier sur la difficile cohabitation, le désir d’aider et de faire connaître les remèdes ou les recettes des tribus indiennes, avec Utu’wv Ecoko’ nesel la petite Natchez.
J’ai aimé la voix de la lectrice. Valérie Nuzzi a le ton qu’il faut, la douceur ou la force dans la voix pour incarner ces femmes. Et donner à chacune sa singularité, ses craintes, ses doutes, ses aspirations, ses espoirs, sa façon d’appréhender la vie. Sa voix est douce, posée, parfois complice, parfois secrète, tourmentée ou sereine, elle réussi à faire passer les sentiments, inquiétudes et espoirs, ou même le fatalisme que chacune porte en elle. Ah, et bravo pour avoir prononcé un nombre incalculable de fois le prénom de la jeune Natchez !
https://domiclire.wordpress.com/2024/06/18/la-louisiane-julia-malye/
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