"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Sous Napoléon III, au fin fond de la Normandie, un homme dans la force de l’âge vit caché dans les bois où il bûcheronne rageusement. Bien qu’il ait des allures aristocratiques, il se fait appeler Monsieur Louis. Il semble vouloir expier quelque chose ou chercher à échapper à la police du régime. La plus jolie jeune fille de la région nommée Jacqueline, fille non reconnue d’un noble et d’une paysanne, s’attache à lui au point de venir chaque jour s’occuper de sa modeste demeure. Le hobereau du coin, le duc de Loigny, la tient plus ou moins sous sa protection. Il avait été page du comte d’Artois, puis aide de camp de Charrette et avait fini général d’Empire sous Napoléon Ier. Un soir, Monsieur Louis assiste par hasard à un coup de filet des gabelous contre des contrebandiers tentant de débarquer du tabac sur une plage. L’affaire tourne mal. Un homme grièvement blessé est récupéré par Monsieur Louis et ramené à sa famille. Il mourra le lendemain. Et quand les prisonniers devront être transférés au bagne, c’est un groupe de paysans qui viendra le solliciter de bien vouloir prendre leur tête comme au meilleur temps de la chouannerie pour organiser le coup de main qui devrait libérer leurs amis. Le faux bucheron accepte mais à la condition que les gueux ne se munissent ni d’armes à feu, ni d’armes blanches, mais juste de bâtons et de gourdins…
« L’homme aux gants de toile » est un roman que l’on pourrait classer dans le rayon « terroir » aujourd’hui. Publié en 1943, c’est surtout un livre nostalgique sur la fin de la petite aristocratie terrienne à peine plus riche que les paysans qui la servaient encore. Le style très travaillé et pas mal daté avec ses longues descriptions d’une méticulosité complètement inconnue de nos jours peut sembler un brin rébarbatif. D’autant plus que La Varende s’éternise un peu beaucoup dans la présentation de ses personnages qui ne sont que quatre pour les principaux si l’on inclut un certain Flammèche, colporteur trainant dans les campagnes, mais en réalité voyou parisien sans foi ni loi et surtout celui par qui le malheur arrive. À noter également quelques apparitions fugaces de Barbey d’Aurevilly que l’auteur a certainement dû fréquenter. Il le présente d’ailleurs comme nobliau de fraîche date, particulièrement attiré pour ne pas dire obsédé par l’étrange, le fantastique voire le « gore » comme on dirait aujourd’hui. Au total, un roman qui peut encore se lire surtout pour le dernier tiers où l’intrigue se déploie enfin, mais qu’on ne classera quand même pas dans les meilleurs du maître normand.
Pour nous tous, l’expression « gueules cassées » est synonyme de grave blessures au visage causées lors des combats de la Première Guerre Mondiale, c’est d’ailleurs à cette époque que ce terme est apparu. Mais les graves séquelles physiques dues à des combats existaient bien avant.
Voici l’histoire d’un de ces blessés, en réalité celle de son grand-oncle, que nous raconte Jean de la Varende dans son roman « Nez de cuir, gentilhomme d’amour » paru en 1937 et c’est adapté par Jean Dufaux et Jacques Terpant que le comte Roger de Tainchebraye prend vie sous nos yeux, dans « Nez de cuir »
.
1814, la campagne de France oppose l’Empire de Napoléon 1er à la Sixième Coalition (Royaume-Uni, Irlande, Russie, Prusse, Suède, Autriche) qui tente d’envahir la France. A l’issue de ces combats Napoléon 1er devra abdiquer et sera exilé à l’île d’Elbe.
C’est pendant la bataille de Reims, face à des troupes de cosaques à cheval que Roger de Tainchebray est laissé pour mort, gravement blessé au visage par un coup de sabre qui lui a sectionné le nez et la joue, des coups de lance et une blessure au pistolet. Malgré la gravité de ses blessures, le jeune comte de 22 ans survit et après une convalescence d’un an, retourne habiter le château familial du pays d’Ouche (Orne). C’est là qu’il est attendu par la noblesse et la bourgeoisie locales qui sont impatientes de découvrir son nouveau physique, caché par un masque de cuir. Car même s’il a recouvré ses capacités physiques, son visage sera dorénavant caché.
Le jeune Don Juan va alors se lancer à corps perdu dans une fuite en avant où les femmes seront toutes l’objet de ses convoitises jusqu’à sa rencontre avec la très jeune et très belle Judith de Rieusse. Mais comment construire une histoire d’amour quand un masque de cuir interfère entre deux visages ?
Une magnifique remise en lumière d’un écrivain qu’on avait quelque peu oublié et qui pourtant écrivit de nombreux romans et nouvelles évoquant son terroir normand. Les très beaux dessins illustrent à la fois parfaitement le faste de cette société très privilégiée, mais également la beauté du bocage et des forêts normands.
Une très belle invitation à découvrir cynisme, amour et déchéance.
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