Dans ce recueil de 13 nouvelles, la jeune autrice mexicaine frappe fort mais juste
La lecture de ce livre a été pour moi une réelle découverte de la littérature mexicaine. Je remercie chaleureusement Lecteurs. com et les Éditions du Sous-Sol de m'avoir permis de lire ce recueil de 13 histoires.
Plusieurs de ces nouvelles sont liées entre elles tandis que d'autres sont indépendantes. Mais chacune fait écho à une histoire de femme au caractère bien trempé et en colère.
Quelles soient riches ou pauvres, corrompues ou ordinaires, chacune d'entre elles a connu une blessure violente de la part de cette société qui brise les femmes. Pour elles, "la vie est une chienne". Au quotidien, elles doivent lutter férocement pour exister et survivre. Certaines sont détestables, frivoles et égoïstes. Pourtant sous l'apparente légèreté de ces personnages féminins il y a un réel fond.
Ces portraits frappants sont écrits à la première personne. Ces femmes s'adressent directement aux lecteurs par des familiarités comme "mon pote" ou "mon amie". Par ce procédé l'autrice souhaite que le lecteur soit directement interpellé et se sente concerné par ces drames. Leurs pensées intimes fusent sans filtre. C'est brut, violent et trash dans les mots et les situations. Pourtant je n'ai pas pu décrocher de cette lecture tellement c'est moderne et percutant.
J'ai aimé chacune de ces nouvelles. Deux m'ont particulièrement plu : "Le sourire" et "La huesera".
"Le sourire" est teinté de fantastique et de gothisme. Le Charro Negro, personnage légendaire du folklore mexicain est évoqué.
"La huesera" est la dernière nouvelle du recueil et elle est pour moi la plus significative de ce que vivent les Mexicaines. J'y ai appris que toutes les 3h une femme meurt "démembrée, asphyxiée, violée, rouée de coups, brûlée vive, mutilée, déchirée par les coups de couteau, les os brisés et la peau couverte de bleus."
Dahlia de la Cerda écrit de manière dynamique et provocatrice. Sa plume est familière et sans fioritures. Cela va droit au but sans enlever la charge émotionnelle des situations vécues. Il y a beaucoup de douleurs et de pleurs. La présence d'humour noir dans chaque histoire permet de parler de choses horribles sans tomber dans le gore.
Il y a aussi plusieurs allusions à la pop culture musicale mexicaine. Les chansons ont beaucoup d'importance. À plusieurs reprises il y en a des paroles citées. Deux nouvelles du recueil sont d'ailleurs inspirées de chansons.
Un glossaire en fin d'ouvrage permet d'expliquer les termes espagnols utilisés et liés à la culture du pays.
Même si je ne connais pas très bien cette culture et la société mexicaine dans son ensemble, j'ai pu voir quelques reportages sur la normalisation et l'impunité des violences faites aux femmes dans ce pays. La société mexicaine est profondément machiste et patriarcale. Le poids de l'Église catholique est très forte. L'IVG est notamment interdite dans certains États. Les cartels qui font du trafic d'être humain kidnappent des femmes et les exploitent sexuellement avant de les tuer. L'autrice a réussi à aborder dans ce recueil ces différentes problématiques en donnant notamment la voix à : une amie disparue qu'on espère revoir dans la mort, une femme qui avorte seule chez elle illégalement, à une sorcière appelant le Seigneur des Ténèbres, à une femme trans violemment agressée, à une immigrante violée et tuée, à une fille d'un cartel de la drogue qui va commettre une haute trahison pour se venger...
Une lecture dérangeante et difficile mais ô combien nécessaire.
« Le Mexique est un énorme monstre qui dévore les femmes.
Le Mexique est un désert fait de poudre d’os.
Le Mexique est un cimetière de croix roses.
Le Mexique est un pays qui déteste les femmes. »
« Chiennes de garde » est composé de 13 histoires courtes, 13 portraits de femmes. Les histoires se répondent et le lecteur découvre les liens qui unissent les personnages.
Les héroïnes de « Chiennes de garde » sont des femmes issues de milieux sociaux très divers (une fille de député, une tueuse à gage, une sorcière, une fille d’un narcotrafiquant, une mère de famille ou encore une influenceuse). Leur point commun ? Ce sont toutes des femmes qui vivent au Mexique, un pays qui les déteste. Elles doivent régler seules leurs problèmes.
Dans ce livre, Dahlia de la Cerda évoque la violence, les inégalités sociales, le patriarcat mais aussi la corruption et le trafic de drogues qui gangrènent le Mexique. La plume de l’auteure est crue, issue du langage oral. J’ai aimé son ton provoquant, son engagement féministe et l’humour noir qui se dégagent des textes. Ceux-ci sont écrits à la première personne afin d’être percutants et ne pas laisser le lecteur insensible. L’auteure fait entendre la voix des femmes et dénonce les violences qu’elles subissent au quotidien. L’ultime texte m’a fait forte impression : « La Huesera » qui s’inspire d’une légende mexicaine. Une femme « La Huesera » parcourt le désert pour retrouver et assembler les os des victimes de féminicide afin qu’elles puissent ressusciter.
« Chiennes de garde » rend hommage au courage et à la détermination des femmes. C’est un recueil fort et puissant.
Il n'y a pas encore de discussion sur cet auteur
Soyez le premier à en lancer une !
Dans ce recueil de 13 nouvelles, la jeune autrice mexicaine frappe fort mais juste
Une fiction historique glaçante et inoubliable, aux confins de l’Antarctique
Découvrez les derniers trésors littéraires de l'année !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"