Christophe Quillien

Louis donne son avis sur Génération rock et folk ; 40 ans de culture rock de Christophe Quillien

Quiconque écoute du rock et s'intéresse un tant soit peu au son qu'il a dans les oreilles a déjà eu dans ses mains un exemplaire de "Rock&Folk". Conspué par les lecteurs des Inrockuptibles qui le trouve ringard et le ton du magazine un poil condescendant pour les profanes, "Rock&Folk" est...
Voir plus

Quiconque écoute du rock et s'intéresse un tant soit peu au son qu'il a dans les oreilles a déjà eu dans ses mains un exemplaire de "Rock&Folk". Conspué par les lecteurs des Inrockuptibles qui le trouve ringard et le ton du magazine un poil condescendant pour les profanes, "Rock&Folk" est pourtant une véritable institution et nous raconte l'évolution de la musique du diable depuis quarante-cinq ans lorsqu'en 1966, le magazine "Jazz hot" sort un hors-série été qui, mû par la curiosité qu'un concert de James Brown a provoqué chez l'un de ses journalistes, Philippe Koechlin, décide de parler de rock and roll et de rythm and blues. Succès immédiat pour ce numéro zéro qui va devenir une référence en terme d'actualité rock en France. Retracer ces quarante années - le livre est sorti en 2006 - était une montagne de travail que Christophe Quillien, journaliste indépendant et auteur d'ouvrages notamment sur "Salut les copains", s'est attelé en se procurant l'ensemble des numéros parus et en reconstituant minutieusement les rouages de cette institution de la presse spécialisée.

Construit à partir d'extraits d'interviews et d'articles, "Génération Rock&Folk" propose une analyse chronologique avec comme fil conducteur, une présentation des nombreuses plumes qui ont sévi plus ou moins longtemps au sein du canard. Si pour moi qui ne connait le magazine que depuis le début des 2000's, j'ai découvert certaines légendes journalistiques de l'époque comme Philippe Paringaux qui a connu les meilleures années de "Rock&Folk", les 1970's, comme les pires, les 1980's, c'était surtout l'occasion de voir comment le journal a été un formidable dénicheur de talents, comptant dans ses rangs ceux qui allaient devenir les grands noms de demain et marquaient la télévision, le cinéma ou la littérature : Karl Zéro, Thierry Ardisson, Antoine de Caunes, Yves Adrien et bien entendu Philippe Manoeuvre, l'incarnation même du "rock critic" qui signe d'ailleurs la préface du livre.



Loin d'être une apologie de ce magazine qui a bercé son enfance, le "Génération Rock&Folk" de Christophe Quillien dresse un portrait sans concession du magazine autant dans ses aspects les plus novateurs, revenant sur la création de rubriques cultes (Mes disques à moi, érudit rock, le courrier des lecteurs, ...) que ses côtés les moins flatteurs : la mauvaise ambiance au sein des équipes successives, la "dictature" rédactionnelle de Philippe Paringaux, la traversée du désert des 1980's ou le paiement au lance-pierre des pigistes. Le lecteur est cependant lucide et sait très bien que tout colosse a des pieds d'argile et ne s'embarrassera pas de ses allées et venues dans les coulisses de "Rock&Folk", préférant se replonger dans les différentes époques marquantes du rock et de ses dérivés, de l'émergence du punk au reggae en passant par le hip-hop ou la techno qui poseront de gros problèmes éthiques au comité rédactionnel.



Rien n'a été laissé au hasard tant Quillien replace le magazine dans les différentes époques qu'il a traversées, abordant la concurrence (Best), la création d'autres médias (Les Inrockuptibles, Canal +) en montrant l'impact que cela a eu sur le magazine et comment celui-ci a su rebondir et survivre en dépit de l'arrivée des clips, des émissions de rock à la télévision ou de l'apparition de canards spécialisés comme "Hard-rock". En 2020, "Rock&Folk" est toujours en vente chaque mois dans les kiosques, et même si son tirage est loin d'être le même que pendant les glorieuses 1970's, il continue de faire le grand écart entre actualité musicale et hommage aux grands noms de la musique longuement évoqués dans les dossiers et dans les pages "Rééditions". Peu de temps avant de mourir, Philippe Koechlin, son fondateur historique, confiait à l'auteur de ce pavé que "Rock&Folk" serait encore dans les kiosques jusqu'en 2020. Tout en respectant sa mémoire, espérons qu'il se trompait et que ce magazine lu par trois générations de mélomanes fera encore le bonheur des lecteurs pendant encore plusieurs décennies.