"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
A la gare de Sainte-Blandine sur Fleury un homme attend. Il doit recevoir un canon pour son numéro d’homme-canon qu’il compte monter prochainement et inaugurer dans la ville. Mais il semblerait qu’aucun train de marchandises n’arrive dans cette gare contrairement aux informations que son partenaire lui a données. L’homme se met en tête d’attendre malgré tout et de retenter sa chance le lendemain. Son séjour dans la ville de Sainte-Blandine sur Fleury va causer quelques remous dans la population, éveiller la méfiance mais aussi quelques actes de sympathie.
Un livre fort étrange, mais très intéressant, que cet homme-canon. Par sa construction dans un premier temps qui va chercher du côté du texte de théâtre. L’ensemble est construit quasiment exclusivement en dialogues entre les différents personnages. Par son sujet ensuite. Nous sommes clairement dans un récit futuro-philosophique, si ce terme existe ! Christophe Carpentier place son récit en 2069, dans un monde où les “supports fictionnels” tels que les livres, les films et la musique sont interdits et où les Directs télévisés ont pris le pas sur tout autre divertissement. Ces directs ce sont des immersions auprès de pompiers sur des accidents, auprès de policiers sur des intervention, dans des hôpitaux pour assister à des accouchements ou sur des chantiers de construction.
Les personnages évoluent dans un monde totalement sous-contrôle, où les sentiments sont aseptisés, où il est interdit de s’appesantir, même en pensée, sur le monde d’avant ou sur des souvenirs. Un monde où chaque habitant se doit de contribuer au remboursement de la Dette Sanitaire mise en place après la nouvelle grande pandémie de Covid apparue en 2052. Bref un monde loin d’être idyllique que notre homme-canon, Batien Lebaye pour l’état civil, cherche à secouer et à sortir de sa léthargie avec son histoire d’homme-canon et les péripéties qui y sont liées. Par son action, Bastien revendique subtilement un droit à faire appel à l’imaginaire qui a été prohibé. Il insuffle dans les villes où il passe un léger vent de révolte et de résistance. On ne saura pas vraiment si son action militante est unique ou s’il fait partie d’un réseau plus vaste (quelques dialogues avec sa compagne nous le font supposer) mais on salue cette volonté de faire changer les choses par un moyen très inventif.
Christophe Carpentier nous décrit ici un monde qu’on imagine sans peine advenir pour les plus pessimistes d’entre nous. Ne vivons-nous déjà pas avec ces images en boucle des chaines d’information non-stop et sous l’influence de ces reportages qui, sous couvert de nous faire vivre des vies autres que les nôtres, inhibent notre pensée critique ? Serions-nous à un cheveu du monde de 2069 évoqué par l’auteur ? Souhaitons-nous que non !
Selon la description disponible sur le site de l’éditeur, ce livre est « une vision dystopique de la société de surveillance et de contrôle pleine d’intelligence, brillant et pénétrant ». C’est clair que parfois les accroches disponibles sur les bouquins vendent du rêve afin d’attirer le manant à l’achat et on se trouve alors déçu. Ici, je vous rassure tout de suite : elle est totalement vraie.
Christophe Carpentier a une interprétation totalement crédible du futur potentiel de notre société et nous la conte sous la forme d’une pièce de théâtre en trois actes.
Alors je me doute que beaucoup de potentiels lecteurs pourraient être effrayés par la forme du texte, sous cette configuration d’une pièce de théâtre. Je suis la première à avoir été décontenancée quand le livre m’est arrivé entre les mains car je ne suis pas une grande lectrice de pièces de théâtre. Pourtant, vu sa quatrième de couverture, j’ai voulu lui laisser une chance en parcourant les premières pages et je me suis vite retrouvée happée par l’histoire et la façon originale dont l’auteur avait choisi de mettre en oeuvre pour la raconter. Cela n’alourdît pas la prose, au contraire devrais-je même dire.
Quand on regarde les journaux télévisés ou les magazines d’informations, on ne peut qu’être parfois ébahi par la tournure que prennent les choses et le monde en général. L’épidémie du COVID a laissé des traces et l’auteur les imagine de façon pas si irréaliste que ça, je pense. Une seconde épidémie s’est déroulée en 2052 (tiens, à noter peut-être à l’agenda) et le nouveau Gouvernement d’Urgence Nationale (G.U.N., hum hum) a mis en place des dispositions où toutes formes de distractions seraient proscrites, avec notamment, le recul de l’âge de la pension à 74 ans (oh, misère) menant à une société sans conflit mais également sans plus aucune fantaisie.
C’est souvent drôle, parfois loufoque mais tellement ingénieux cette façon d’imaginer le monde et en particulier, la France en 2069. Toutefois, à maintes égards, j’espère que Christophe Carpentier s’est tout de même trompé car cette société serait bien loin d’être idéale selon moi.
Franchement, cette vision de 2069 est parfois effrayante notamment quant à la configuration liberticide de la société qui serait mise en place. Un exemple : la disparition de tous les livres, hormis les manuels scolaires. Pour moi qui suis une lectrice acharnée, je ne vous fais pas l’affront de vous qualifier l’horreur que cela serait pour moi mais aussi pour vous pauvres lecteurs.
Bref, tout cela pour vous dire que ce livre passionnant a vraiment été une belle surprise. Il sera drôle de reprendre ce livre en 2069 et d’observer les ressemblances et différences entre la réalité et la fiction. Espérons toutefois que cette vie aseptisée ne trouve pas à s’installer dans notre quotidien.
J’ai plongé avec un mélange de curiosité et d’effroi dans ce roman atypique, entre pièce de théâtre et conte des temps modernes. Nous sommes en 2069 et le pays est dirigé par des Miliciens qui ont établi des règles étranges et non moins totalitaires. Alors que des écrans de télé diffusent partout des Directs non-stop, qu’il s’agisse d’urgences médicales ou talk-shows absurdes, nous sommes ici bien après la seconde pandémie de COVID de 2052.
J’ai beaucoup ri, tant les dialogues sont succulents, rappelant en cela le génie du théâtre de l’absurde. En modernisant le propos, Christophe Carpentier décrit notre société régie par l’image et les chaînes d’info en continu où ici il s’agit d’endormir les consciences jusqu’à les abrutir. Les protagonistes représentent à eux tous les institutions et le pouvoir, qu’il s’agisse du Maire, du chef de gare, des Brigadiers et des Miliciens.
Un coup de coeur pour cette charmante balade dans un monde effrayant raconté avec beaucoup d’humour.
Christophe Carpentier a imaginé une dystopie qui imagine que la vie sur terre, après un dérèglement climatique qui n’a cessé de s’amplifier, va devenir de plus en plus difficile. Comment dès lors s’inventer un avenir?
C'est au moment où le maréchal de l'OTAN Von Greimstedt rend les armes à Dacia, la représentante des Nomades Décontextualisés (ND) que s'ouvre cette dystopie. La planète est alors dans un état terrifiant. Imaginez que pour survivre, il est essentiel de se déplacer, car la terre est brûlée et n’est plus cultivable, les vents – en particulier Le Vent Obscurcissant numéro 7 qui est le plus dense et le plus meurtrier – sont chargés de particules toxiques, l’eau doit être filtrée et des groupes sans foi ni loi peuvent vous agresser à tout moment. La mobilité aura donc finalement permis aux ND de survivre, d’agréger de plus en plus de personnes et de prendre le pouvoir. Car ils ont mis au point les outils permettant de faire face à ce climat totalement déréglé, aux cyclones surnuméraires et aux champs magnétiques chamboulés. Après avoir constaté «l’étendue des dégâts, tant au niveau géostratégique que dans le cœur de l’Homme», il va maintenant falloir répondre à la seule question qui se pose désormais: peut-on construire un avenir dans un tel monde?
Dans la seconde partie du livre Claire Kraft va tenter de relever ce défi, refaire l’histoire et imaginer à quoi pourrait ressembler ce monde à construire, tenter de théoriser la vie passée, présente et future sur cette terre. Son mari va d’abord la soutenir dans ses réflexions et son projet, avant de la lâcher et de se désolidariser pour rejoindre la vision que défend son fils Harold.
Christophe Carpentier a choisi d’opposer deux visions que l’on peut appeler pour simplifier, la vision masculine et la vision féminine, car France Stein, l'épouse d’Harold, va se rapprocher de sa belle-mère. Claire et France vont choisir de bâtir «sur les contours d’une vérité ancienne et fragile» et vont s’évertuer de l’améliorer. En modernisant les outils et les moyens, à commencer par le système de production d'énergie nomade, la batterie VN 1, mise au point par Tobias Jetzitzak. Ce dernier va choisir d’accompagner France dans un périple risqué. Il va du reste s’achever tragiquement.
C’est alors au tour d’Harold, qui s'était jusque-là opposé à sa mère, de prendre le relais, et de tenter de ne pas répéter les erreurs commises. Et de ne pas donner raison à sa mère qui le voyait «multiplier les coups d’éclat et instaurer une impression de chaos institutionnel qui sera un leurre, car au final, tout ceci débouchera sur une accentuation de la soumission des citoyens à l’égard de l’État».
Le pari peut-il être gagné? C’est tout l’enjeu de cette dystopie qui creuse une thématique déjà abordée par Louise Browaeys avec La dislocation et Pierre Ducrozet avec Le grand vertige. Des romans qui sont autant de pistes de réflexion sur les enjeux écologiques et environnementaux et dont je prends le pari qu’ils constitueront désormais une veine qui va continuer à être exploitée par les romanciers.
https://urlz.fr/dQFo
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