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Il est difficile d’avoir admiré un champion puis, après l’avoir presque oublié, de lire le récit bouleversant de sa vie, une véritable descente aux enfers.
Il ressort, de la lecture de ce livre témoignage, une impression mitigée devant tant de talent gâché. Patrick Béon est un écorché vif et, sans tergiverser, il nous plonge dans un cauchemar commencé dès l’enfance. Pourtant, de magnifiques embellies conquises par ses propres moyens auraient pu lui permettre de rejeter tout ce qui était mauvais, cet engrenage que de sinistres personnages s’ingénient à faciliter.
Il est arrêté chez lui, fin octobre 2000, mais il n’est pas seul à être interrogé : sa femme, son fils aîné, son frère, sa mère… Patrick Béon a 51 ans et il lui est reproché la consommation et surtout la revente d’amphétamines, sous la forme d’in cocktail appelé « pot hollandais », à d’anciens coureurs, entre autres. Ce champion cycliste a remporté beaucoup de courses lorsqu’il était amateur, affichant des aptitudes physiques largement au-dessus de la moyenne. Il était contre le dopage qu’il pouvait constater déjà autour de lui, un dopage à la petite semaine, pas très dangereux mais faussant les résultats et souvent au départ d’un engrenage pouvant mener à la catastrophe. C’est ainsi qu’il est jeté en prison, traité comme un trafiquant de stupéfiants. Après 21 jours de préventive, il sera condamné à un an ferme et il décrit bien toute l’horreur du milieu carcéral.
Au fil des pages, le lecteur découvre une vie familiale très chaotique, le drame qui frappe aussi son fils Nicolas. Malgré de nombreuses allusions à sa carrière cycliste, il faut passer la moitié du livre pour enfin retrouver Patrick Béon, le coureur. Lui qui préférait le foot, est poussé à faire du vélo par son frère, Gérard. L’on apprend ensuite que, lorsqu’il était collégien, il faisait la course avec le bus scolaire et arrivait le premier ! Lorsqu’il remporte le Tour du Jura, trois équipes professionnelles le veulent mais il refuse. Le Breton qu’il est signe à l’ACBB, le fameux club parisien, dirigé par Mickey Weygant, un club qui est l’antichambre de l’équipe Peugeot. C’est à ce moment qu’il épouse Martine, fille d’un commissaire de police.
Tout au long des pages, Patrick Béon le souligne à plusieurs reprises : il a besoin d’un homme qu’il respecte, le prenne sous sa coupe et ne le laisse pas livré à lui-même. Il aurait bien aimé que Cyrille Guimard s’occupe de lui et a toujours regretté l’époque de Mickey Weygant. Chez les pros, c’est l’époque où l’on parle peu de récupération et pas du tout du nombre de jours de course. Le double engrenage est lancé : l’accumulation des épreuves et les soins, un mot sibyllin qui conduit au dopage. Des pastilles plus ou moins identifiées sont la première marche d’une escalade conduisant aux injections. Dans les années 70, les amphétamines sont reines et notre homme se voit contraint de céder « par faiblesse, par facilité, par bêtise. » Maurice De Muer, son directeur sportif, le prend dans l’équipe Peugeot pour le Tour 1975 où il est l’équipier de Bernard Thévenet qui vaincra le grand Merckx. Il fait chambre avec Guy Sibille qui restera toujours un ami fidèle. Parfois l’opportunité se présente de sortir de cette folie qui gangrène ce sport merveilleux : un jour, Raymond Delisle lui fait jeter son « officine ». Souvent, il doit se sacrifier pour un leader moins fort que lui. Lorsque Eddy Merckx lui propose de devenir son équipier, il refuse et…le regrette encore.
Philippe Brunel, journaliste à L’Équipe, l’encourage à écrire mais c’est Florent Joyard qui va l’accompagner dans sa démarche, l’accueillant chez lui puis venant en Bretagne où il rencontre la mère de Patrick, d’origine allemande, rejetée par sa belle-famille. Remontent alors tous les souvenirs de son enfance où la misère et les violences qu’il subit sont incroyables. Si Patrick Béon est devenu un écorché vif, c’est à cette période déterminante de sa vie qu’il le doit, l’époque où il marchait « Nu dans ses bottes. »
Après tellement de bouleversements, le temps de l’apaisement semble venu. Grâce à Philippe Bouvatier, il retrouve le monde du cyclisme au Grand Prix de Plouay. Bernard Thévenet est très chaleureux et ils parlent enfin. Patrick Béon travaille dans l’immobilier, dans sa Bretagne natale et déclare simplement : « Je veux seulement fleurir ma demeure afin d’embellir ma vie. » Il le mérite vraiment.
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