Deux lectures de "Pense aux pierres sous tes pas" d’Antoine Wauters (Verdier)
Deux lectures de "Pense aux pierres sous tes pas" d’Antoine Wauters (Verdier)
Si Mahmoud plonge avec tant de ferveur, c’est pour mieux laisser ses souvenirs affleurer. Souvenirs d’une existence révolue, immergée sous les eaux du lac Tabqa. Souvenirs de Leïla et Sarah, un premier amour si pur, emporté par la vie, un dernier, si beau nimbé de poésie, arraché par la violence du régime. Souvenirs douloureux de la violence, de la prison, du départ de ses enfants pour la guerre.
Sous les eaux du lac dorment un village, des existences anéanties. A la surface, le régime autoritaire impose de vivre à l’ombre de la liberté perdue. Pourtant, que de lumière dans les mots de Mahmoud ! Ce texte est à la fois doux et puissant, mélancolique et rempli d’espoir. Chaque vers appelle le suivant avec ténacité et délicatesse. En nourrissant le texte de leurs nuances et de leurs variations, les sentiments guident le choix des mots qui s’assemblent pour composer un texte vibrant et rayonnant
Mahmoud Elmachi, un vieux syrien, se promène en barque sur le lac el-Assad, sous lequel son village natal a été englouti lors de la construction du barrage de Tabqa. Il n'hésite pas à y plonger avec masque et tuba, et c'est l'occasion de prendre du recul sur sa vie, d'en faire une sorte de bilan.
Un roman, même aussi court que celui-ci, écrit en vers, c'est assez rare et ce peut être déroutant. Ici, la fluidité de l'écriture d'Antoine Wauters rend la lecture assez facile, même si l'on est dans le registre de la contemplation plutôt que dans celui de l'action.
L'auteur nous fait traverser un demi siècle d'histoire (et de psychologie ?) syrienne : les espoirs placés en Hafez el-Assad, puis en son fils Bachar, l'ophtalmologue qui deviendra tyran ; les croyances dans la technologie qui sauve, ici représentée par le barrage ; la dureté de la vie, symbolisée par Leïla, le premier amour de Mahmoud, morte en couche avec son bébé ; la beauté, représentée par Sarah, la mère des enfants du vieillard, amoureuse de poésie ; la guerre civile qui fait rage et et à laquelle Sarah ne survivra pas, emportée par la violence des sbires du régime...
Les plongées de Mahmoud dans le lac résonnent ici avec celles de l'auteur dans les racines contemporaines du peuple syrien.
Un beau roman en vers.
Chronique illustrée : http://michelgiraud.fr/2022/02/27/mahmoud-ou-la-montee-des-eaux-antoine-wauters-editions-verdier-un-beau-roman-en-vers/
Aujourd’hui Mahmoud le poète flotte entre deux eaux, entre deux mondes, entre la réalité sinistre et violente de la Syrie de Bachar El Assad, et le monde sous-marin de son enfance, dans le village englouti par le barrage de Tabqa construit en 1973 au bord de l’Euphrate par Hafez El Assad.
Sur sa barque bleue qu’il emprunte sans relâche, il plonge inlassablement dans les eaux noires armé de sa seule lampe, pour retrouver tout ce qui s’est perdu dans les profondeurs, la maison de ses parents, le café Farah, l’école des années heureuses. Leila, son premier amour, puis la rencontre avec Sarah, l’écriture des poèmes et leur amour commun de la poésie et des mots, leur vie de couple puis de parents comblés avec deux garçons, Salim et Brahim et une fille Nazafé, le départ et la disparition de ces derniers, les années de prison, la guerre, la solitude et l’oubli.
A ces souvenirs viennent parfois s’intercaler ceux de Sarah, l’épouse tant aimée, celle qui a disparu sous les coups de l’armée de Bachar. L’ancien étudiant londonien devenu le dirigeant de la Syrie au décès de son père, et qui s’est installé dans un pouvoir coercitif et violent.
Le long poème de Mahmoud est aussi un plaidoyer pour une Syrie heureuse loin de Daesh et des armées du pouvoir en place, prétexte à rappeler au lecteur l’histoire souvent oubliée du pays depuis les années 70.
Un roman qui se lit d’une traite et nous plonge dans les eaux noires du lac el-Assad. Porteur d’espoir malgré la grande mélancolie et les souvenirs douloureux que l’on ressent au plus intime
chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2022/02/11/mahmoud-ou-la-montee-des-eaux-antoine-wauters/
Douloureusement beau
De ces récits qui cogneront longtemps à la porte de la mémoire. Le.fond la forme tout s' imbrique pour s ancrer.
Je connaissais la plume de l auteur, ici elle se fait plus aérienne plus fluide, toujours aussi puissante.
Antoine wauter est un poète et seul les poètes peuvent décrire l'horreur en chantant la vie.
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