"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Pour les inconditionnels du tennis.
En 2016, j'ai suivi avec intérêt les billets quotidiens de Laurent Binet sur Roland-Garros, publiés dans L'Equipe pendant la Quinzaine. Je n'ai donc pas été très étonnée de voir son nom en signature de ce Dictionnaire amoureux et c'est avec enthousiasme que je me suis attelée à la lecture de cet abécédaire qui associe également Antoine Benneteau à sa réalisation. Antoine, pour ceux qui suivent le tennis, c'est le frère de Julien, que l'on pouvait encore voir à l’œuvre sur les terrains il y a deux ans. Frère de, mais également entraîneur et animateur sur Eurosport. Bref, fin connaisseur des réalités de ce sport autant que du circuit. A Laurent Binet la vision extérieure, celle de l'amateur éclairé, à Antoine Benneteau celle de l'intérieur, les coulisses, la proximité avec les joueurs. A eux deux, un regard passionné mais teinté du réalisme de celui qui sait l'ingratitude de ce sport. Et qui préfère en rire.
La promenade est très éclectique. Quelques incursions aux sources du jeu, histoire de tenter de comprendre (ou pas) cette mystérieuse façon de compter les points. Les lieux emblématiques, les joueurs qui ont fait l'histoire, même s'ils sont oubliés depuis longtemps. Des anecdotes. Un léger souffle nostalgique au moment de revisiter les années 60/70, avant la professionnalisation à outrance, à l'image de Georges Goven qui, vers la fin des années 60 préférera suivre sa petite amie rencontrée à Miami plutôt qu'une sélection en Coupe Davis et se retrouvera dans le bus de tournée de Jim Morrison. Des passes d'armes épiques dans les vestiaires ou au changement de côté, insultes comprises. Des matchs mythiques. Des scores gravés dans les mémoires. Des balles de break, de set, de match. Des retournements de situation. Des records. Des gloires éphémères et la bataille pour le titre de GOAT. Des gestes, des coups... dont les amateurs pratiquants recherchent la vérité parfois toute une vie sans jamais la trouver, pensent la saisir et la perdent aussi vite (cf. Ingratitude du sport). Quelques leçons de sagesse en passant, comme celle de Brad Gilbert : "Chez les amateurs, le meilleur moment pour commettre une double faute se situe juste après un ace. Lequel de l'ace ou de la double faute, était accidentel ?" (seuls ceux qui jouent comprennent).
Page 301, une ode à John McEnroe. Mon idole. Avec Laurent Binet je partage la vénération pour le joueur et aussi la douleur toujours présente de la finale de Roland-Garros de 1984. Marquée au fer rouge. McEnroe et Federer sont ses fils rouges, ses dieux, je ne peux qu'adhérer. Les années 80 sont bien sûr très présentes, une richesse phénoménale dans l'évolution de ce sport et c'est un plaisir de voir resurgir des noms, des dates, des images. Mais il n'y a pas que ça. Au fil des pages, quelques références littéraires, des romans, trop rares, sont venus enrichir ma liste de livres à lire. Ce dictionnaire étant amoureux, il est forcément subjectif et partial. Certains joueurs ont dû sentir comme un sifflement dans les oreilles. Et puis, au détour d'une page, à l'évocation de l'année 1984, cet aveu de la part de l'écrivain amoureux du jeu et de sa dramaturgie "En définitive, c'est le tennis qui m'a appris à me raconter des histoires". Pas étonnant quand on connait la qualité des scénarios tennistiques. Et que l'on sait que tout cela va bien au-delà du sport.
""Le tennis est le sport le plus solitaire" disait André Agassi. Pour pratiquer ce sport, il faut aimer la solitude, la rechercher et s'y sentir bien. C'est l'une des choses que le tennis vous apprend : s'en sortir sans l'aide de personne. Car sur le terrain, vous êtes seul pour gagner, seul contre vous-même et l'adversaire. L'autonomie est vitale".
En lisant ce Dictionnaire amoureux du tennis, nombre de pratiquants se sentiront moins seuls.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
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