"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Comment une femme d'un milieu modeste et qui a fait un beau mariage s'est retrouvée accusée du meurtre de son amant ? C'est ce que la narratrice qui a voulu la rencontrer, tente de comprendre. Peut-être aussi, parce que l'héroïne Hélène fait écho à sa vie et à des moments aussi insondables que tangents...
Les entrevues entre ces deux femmes ont quelque chose de singulier et d'oppressant. La narratrice s'identifie à l'accusée dans un exercice malsain et déroutant. Très vite, sont révélés les failles, les contradictions, les appels au secours.
Le basculement jaillit d'une somme de circonstance qui fragilise l'épouse qui se sent délaissée. En allant plus loin, on réveille des complexes non surmontés, la peur de vieillir, un sentiment d'infériorité. Les mensonges dans lesquels s'enlise Hélène sont clivants, et on a bien du mal à lui accorder comme les jurés, du crédit.
L'écriture est fluide et torturée, et on avance très vite dans notre lecture. J'ai pu être surprise du déni, de la fuite en avant après les événements. L'ambiance est crissante, dérangeante et je n'ai pas pu m'empêcher d'éprouver des sentiments ambivalents pour les personnages.
Je ressors de ce récit un peu vidé, témoin d'une soif d'amour viscérale et d'un gâchis monumental. Un constat amer et sans appel, qu'il sera désormais impossible de résorber !
Elles ont toutes les deux fait un mariage d’amour et finalement vécu les mêmes désillusions, leur vie de quadragénaires ne s’avérant plus qu’ennui et désespérance. L’une, Hélène, a fini par tuer son amant avec préméditation. L’autre, la narratrice, est obsédée par leurs similitudes et s’interroge : qu’est-ce qui, soudain, vous pousse à l’acte, faisant exploser la banalité du quotidien en un de ces faits divers qui défraient la chronique ? C’est ce qu’elle va essayer de comprendre en se rendant régulièrement au parloir de la prison où Hélène purge une peine de vingt ans d’emprisonnement.
La narratrice a épousé un homme aux antipodes de son milieu bourgeois, Hélène s’est mariée bien au-dessus de sa condition. Le résultat est le même après vingt ans : les deux se sentent prisonnières d’un quotidien pour lequel elles ne sont pas faites et, sans encore se résoudre à tenter d’y changer quoi que ce soit, supportent de plus en plus difficilement leurs désillusions. Typiquement bovaryste, Hélène rêve pourtant d’une grande passion, s’aveugle quand elle croit l’avoir trouvée auprès d’un amant d’un soir, et, incapable de revenir à la réalité, commet ce qui ressemble à un suicide indirect : un meurtre étrangement signé qui, malgré ses dénégations désespérées, ne lui donnera aucune chance d’échapper à ses responsabilités.
Troublée de se reconnaître en découvrant dans les journaux le parcours d’Hélène avant son passage à l’acte, la narratrice multiplie les conversations avec cette femme qui, du fond de sa prison, continue à se réfugier dans le déni de la réalité, mentant autant à elle-même qu’à tout le monde dans sa version des faits pleine de contradictions. Loin d’un monstre, c’est une personnalité fragile, souffrant d’état limite, qui se révèle peu à peu, au fur et à mesure que l’on devine ses troubles affectifs et narcissiques, venus dès l’enfance.
Rapide et plaisant à lire, ce livre qui, avec un certain suspense, entremêlent les récits de deux vies banales, pleines de similitudes, pour en faire dérailler une quand l’autre réussit à retrouver un cap, pose d’intéressantes questions : qu’est-ce qui finit par transformer une personne ordinaire en meurtrier ? Pourquoi l’une, et pas l’autre, lorsque les circonstances sont comparables ? Si l’auteur pointe les failles personnelles de son personnage, laissant le lecteur libre de tirer lui-même ses conclusions, l’on aurait quand même aimé que la narration s’enrichisse d’une réflexion plus approfondie, qui lui donne davantage de corps et en renforce l’intérêt. A défaut, l’on ressort un peu sur sa faim de cette lecture, en tous les cas troublante lorsqu’elle fait entrevoir les incertains rivages de ce qui ressemble à la névrose et à la psychose.
Margot Bourdillon, la narratrice du roman, est la seconde des sept enfants d’une famille de la petite bourgeoisie provinciale de Nevers. Son frère aîné a quitté la maison depuis bien longtemps, ses parents sont des commerçants aisés, catholiques et conservateurs et la vie s’écoule au gré des chamailleries de la fratrie. « J’ai la place, peu enviable, du milieu, enfouie dans un magma de sœurs dont il faut s‘extraire, comme un rescapé des décombres. Condamnée à me faire remarquer à « faire mon intéressante » ». Elle est née en 1942 et nous raconte sa vie de 1954 à 1975. Son enfance, son adolescence puis son entrée dans l’âge adulte marquée par la révolution de 1968 sont l’occasion de mêler l’intime au social, l’histoire à l’Histoire. Chaque chapitre est en effet introduit par la reproduction d’une couverture du magazine « Paris Match » que la petite héroïne va chercher chaque semaine au kiosque. Elle est fascinée par cette revue qui lui permet de s’évader loin de sa vie monotone en s’identifiant aux stars et aux idoles de l’époque et permet à l’autrice de rappeler l’évolution de la société et d’ancrer ses personnages dans le contexte social, culturel et politique de l’époque. Ainsi le premier chapitre s’ouvre sur le célèbre appel de l’hiver 1954 par l’abbé Pierre et le dernier se clôt sur l’élection de Giscard d’Estaing.
L’introduction de ces « unes » est la principale originalité du roman. Au début cela m’a bien plu mais ça devient vite trop systématique et artificiel. J’ai apprécié de découvrir le quotidien d’une famille dans les années 1950, d’autant que ma mère est née deux ans après Margot dans une famille nombreuse régie par les mêmes principes et que j’ai ainsi pu me projeter un peu dans sa jeunesse moi qui suis née peu avant l’élection de Giscard. Mais je déplore que le récit soit trop linéaire et n’ait pas d’épine dorsale. Anne Gallois raconte mais n’adopte pas de véritable fil narratif. On perçoit rapidement le caractère autobiographique du récit puisque la narratrice devient journaliste et a le même âge que l’auteur. Mais, s’il n’est jamais assumé comme tel, il a les défauts d’un livre de souvenirs : elle a visiblement un devoir de loyauté et de mémoire envers sa petite sœur et ne sait pas élaguer. Il y a des redites, trop de détails et de personnages inutiles aussi ; ainsi un parcours qui aurait pu devenir représentatif est constamment renvoyé à l’anecdotique. C’est dommage car ce roman n’est pas exempt de qualités : le portrait des parents avec leurs failles et leur complexité est touchant ; celui de Margot, complexée par sa différence (elle est rousse) et condamnée à son personnage de rebelle, plutôt fin. Le style assez dépouillé est agréable. Avec un vrai fil directeur- comment et pourquoi elle est devenue journaliste par exemple - et l’approfondissement de l’évocation d’autres milieux, que le personnage de Danièle l’amie cachée et ceux des « petites païennes » permettaient, ce récit aurait gagné en épaisseur et en intérêt. Je remercie néanmoins Babelio et les éditions de Borée de m’avoir permis de le lire dans le cadre d’une masse critique privilégiée.
« Mes trente glorieuses » d’Anne Gallois est une autobiographie traitée de façon originale.
Au travers de différentes couvertures de Paris Match, le magazine de son enfance, elle nous délivre des pans de sa vie relatifs à la période du magazine.
La vie d’Anne et de ses sœurs s’entremêle à l’actualité de ce magazine, que celle-ci soit gaie imagée par le mariage de Sylvie et Johnny ou plus sérieuse, tels la guerre d’Algérie ou mai 1968.
Une bio sous forme d’histoires courtes, rapides, tranchantes, nous racontant ces 6 sœurs si semblables et si différentes aussi, avec leurs doutes et leurs certitudes, leurs rêves et la réalité qui fait redescendre sur terre. Les croyances et les mœurs évoluent et cette famille bourgeoise de province n’y échappe pas.
Ces textes associés aux couvertures peuvent être lus/vus comme des photographies de la société de l’époque : les différences sociales des villes de province qui se font sentir aussi bien à l’école que dans les réunions de famille, les choix politiques qui sur une famille diffèrent forcément, l’apparition de la pilule par opposition à l’avortement de la copine…
Je n’ai personnellement pas accroché à ce style haché très particuliers, et ai très vite eu envie de sauter des pages… d’autres, à qui j’ai prêté cet ouvrage, l’ont adoré. Un livre qui au final ne laisse pas indifférent.
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