Alice a quatorze ans quand elle est hospitalisée : un premier roman foudroyant
Alice a quatorze ans quand elle est hospitalisée : un premier roman foudroyant
Sujet compliqué - l'anorexie - et il me semble assez peu traité sur le plan romanesque, probablement parce que périlleux, difficile à aborder, à comprendre, à traiter. Alice Develey a choisi d'en parler sous la forme d'un journal, une jeune adolescente internée depuis des mois en hôpital afin d'y être soignée exprime ses doutes, évoque ses amitiés, ses espoirs ... même s'ils sont peu nombreux. Elle demande de l'aide mais ne sait vers qui se tourner. Où est la vie, où se trouve ce petit quelque chose qui peut lui permettre de renaître ?
Un témoignange troublant qui interroge.
« Je vais me tuer. Voilà, c'est dit. J'ai quatorze ans et je vais mourir »
Ce sont les mots qu'Alice livre à son journal depuis l'hôpital ou elle est internée depuis des mois. Elle pèse à peine 30 kg pour 1,64 et inquiète pour sa santé sa mère n'a d'autres choix que cette hospitalisation. Le diagnostic est posé : TDA, trouble de l'alimentation, encore qualifié d'anorexie mentale. C'est donc dans un service de pédiatrie, puis de psychiatrie de sa ville de province qu'elle atterrit, pour un parcours de soin qui très vite prend des allures de plongée en enfer. Récit sans concession en forme de réquisitoire, dernière confession d'une adolescente déterminée à en finir.
.
Je savais en débutant ce récit qu'il serait éprouvant, et c'est en effet, un uppercut, un coup de poing qui m'a coupé le souffle. Il est inspiré du parcours de l'autrice et en lisant la postface où elle nous avoue n'avoir pas livré les épisodes les plus cruels, les plus insupportables, on mesure l'ampleur des souffrances qu'elle a endurées. Ce livre c'est un brûlot, un cri de rage et la dénonciation sans appel des méthodes barbares employées dans les traitements de cette maladie. Par le récit de ses mois d'enfermements, Alice Develey nous livre sa vérité, son ressenti face à ces murs contre lesquels elle s'est cognée, son désespoir, sa révolte qui ne l'a pas quittée, sa résistance et son impuissance, seule contre tous. Mais le sentiment qui domine c'est la colère. Une colère tour à tour froide ou explosive contre les médecins, les soignants ou ses parents. Une rage bouillonnante qu'elle ne parvient à contenir que par les blessures qu'elle s'inflige ou par l'écriture. « Toute écriture est une lutte contre la mort » dit-elle, ou encore « Je n'écris pas pour mourir. J'écris pour tuer mes souvenirs. Je vous donne mon histoire pour qu'elle ne m'appartienne plus ». L'écriture comme seule arme pour contrer la souffrance, transformer la douleur en mots pour ne pas mourir.
Alors cette histoire elle nous la livre mais elle n'est pas simple à accueillir car elle est dure, elle est sale et elle est lourde à porter. Dans ce parcours, on est loin de l'ambiance aseptisée associée à l'hôpital. Tout n'est que noirceur dans ces traitements proche de la torture, et on est révolté des privations sans cesse plus nombreuses qui bafouent ses droits les plus élémentaires de ces jeunes jusqu'à annihiler tous les fondements de leur existence, la réduisant à un grand rien, dans un chantage perpétuel à travers ces hypocrites contrats de soin.
C'est terrible, c'est glaçant, et même si c'est un récit courageux c'est une lecture difficile dont on ressort marqué. Difficile de dire si j'ai aimé ou pas, mais je sais que c'est une lecture que je n'oublierai pas. Je sais aussi que c’est un livre que je ferai lire à ma fille, élève soignante, pour lui dire l’importance des mots. Rien n’est pire que de taire le sens des soins. Rien n’est pire que le silence.
Alice Develey a trente ans et écrit pour se libérer mais aussi pour que tout le monde sache ce qu'il se passe lorsqu'on est hospitalisée pour trouble du comportement alimentaire; elle avait 14 ans lorsque ses parents la mettent dans un lieu spécialisé. Elle se retrouve avec trois autres filles de pathologies différentes. On la pèse, on essaie de la faire manger et boire mais elle résiste (peut-on survivre sans boire?). On finit par la nourrir de force avec une sonde et on lui fait découvrir le 6e étage: celui des "fous" .Souvent elle est attachée et souffre des contentions, souvent aussi on la met à l'isolement. C'est une voix intérieure qu'elle appelle Sissi qui lui donne des ordres: ne pas manger, ne pas boire, ne pas prendre ses médicaments. Alice se scarifie, se blesse parfois gravement, elle songe au suicide. Elle pense que ses parents ne l'aiment pas; elle est privée de visites, de téléphone etc; elle se fait des amies avec les filles qui partagent sa chambre mais elles partent .Seule l'écriture l'aide à supporter cette vie et donne des mots pour exprimer sa révolte. Elle ne prendra le chemin de la guérison que lorsqu'elle rejettera Sissi.
J'ai connu des anorexiques mais peu m'ont parlé de cette petite voix maléfique; toutes ont parlé des traitements inhumains subis.
Un récit touchant et révoltant. C'est pour ton bien, répète-t-on. Quand la médecine est dépassée, elle semble se venger en imposants des traitements affreux.
Je suis effarée de voir qu'il y a 20 ans, la situation est semblable à celle qu'a connue mon amie, il y a 60 ans!!
Alice a quatorze ans quand sa vie s'effondre car jugée beaucoup trop légère et quand un médecin demande son hospitalisation. Alice arrive dans un service de pédiatrie, puis en psychiatrie, avec d'autres adolescentes, avec un unique but : lui faire prendre du poids. Mais, Alice ne mange plus du tout. Entre les murs blancs de sa chambre avec comme seul horizon un plafond, Alice subit les traitements de plus en plus violents, malheureusement sans vraiment de succès.
"Tombée du ciel" est un roman construit comme un journal intime où elle raconte son quotidien : les lieux, les infirmiers, ses nouvelles rencontres, ses amies, ses parents, ses traitements mais aussi sa maladie "l'anorexie" et la fameuse Sissi dans sa tête. Alice, adolescente, cache son journal sous son matelas, pour pouvoir témoigner de sa vie, laisser comme une trace avant de mettre un point final à sa vie.
Un premier roman comme un cri, comme une claque, pour faire ressortir la douleur, la colère, l'incompréhension que l'on ressent à travers cette plume brute, saisissante, addictive, sincère. Alice raconte sans détour et sans rien cacher (d'où certains passages qui prennent aux tripes) la face cachée des hôpitaux, mais elle raconte surtout l'anorexie pour la faire comprendre. Des tout premiers signes de la maladie jusqu'à la façon de la perception de l'anorexie par les malades, et sur les traitements médicaux totalement inadaptés.
Alice Develey ouvre les portes d'un monde complètement méconnu pour en faire un premier roman totalement époustouflant, qu'elle a surement dû contenir des années en elle pour laisser son histoire éclater entre les pages comme portée par une urgence. Il faut le lire pour le croire. C'est foudroyant, glaçant, maitrisé, fort et percutant, c'est le premier roman d'Alice Develey. Bravo !
Il n'y a pas encore de discussion sur cet auteur
Soyez le premier à en lancer une !
Alice a quatorze ans quand elle est hospitalisée : un premier roman foudroyant
Yeong-ju est l’heureuse propriétaire d’une nouvelle librairie, située dans un quartier résidentiel de Séoul...
Un moment privilégié avec l’auteur de la bande dessinée "Azur Asphalte" : attention, places limitées !
Un premier roman époustouflant de maîtrise et d'originalité