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Deux guerres en parallèle.
Celle de Salagnon. Regard bleu acier trempé. Et la mort partout, la mort dans les rivières, la jungle, la mort sur soi, en soi, qu'on ne peut plus quitter. Là-bas, l'Indochine. Les autres tombent, les uns après les autres. Pas lui.
Salagnon peint.
Et si l'encre protégeait ? Sauvait ?
Et si l'encre lui avait permis de survivre...
Salagnon peint.
A la fin, il ne restera que l'art.
Deux guerres en parallèle.
Celle du narrateur.
Qui accepte de raconter l'Indochine, l'horreur, l'inénarrable, voilà, il accepte de raconter ça, ce qui n'a pas de mots.
En échange, Salagnon lui apprend à peindre.
Alors c'est quoi sa guerre, au narrateur ?
C'est la vôtre.
La mienne.
Celle qui n'a pas cessé depuis toutes ces décennies.
Une guerre de race.
De peur.
Une guerre au quotidien. Une violence qui passe presque inaperçue, presque, il faut lever la tête et la reconnaître pour ce qu'elle est.
En bas de chez vous, entre la police et les manifestants.
Quand on vous demande vos papiers. Ou pas.
Au bureau, quand il faut tenir encore et encore, esclave d'une violence qui ne dit plus son nom.
Dans le métro, et puis à la télé...
Dans le silence et l'indifférence.
Une guerre qui n'en finit plus.
Alexis Jenni a affûté consciencieusement ses mots avant de se jeter dans la bataille. C'est cinglant. Sanglant.
La plume heurte, accroche, te ramène sur les lieux du crime si besoin est.
Il établit un lien entre deux époques, deux situations qui semblent aux antipodes, et la démonstration ne manque certes ni de panache, ni de discernement.
Un Goncourt mérité. (Je ne l'aurai pas dit souvent ça)
Une déclaration d'amour à travers la peinture, ou comment trouver les mots pour traduire les émotions que fait naitre le corps de la femme aimée.
Prix Goncourt 2011 pour l’Art français de la guerre, Alexis Jenni avec ce titre ne m’avait pas du tout convaincu, ni par ses propos, ni par son style. Mais, poussé par @jalkin d’abord et Philou33 ensuite, j’ai ajouté un nouveau titre de cet auteur sur ma pile, étant en cela fidèle à moi-même et cherchant toujours à ne pas me priver d’une rencontre littéraire avec un auteur sans lui et me laisser au moins une deuxième chance.
L’expérience fut, cette fois bien plus riche et agréable. Je suis entré, assez facilement, dans la proposition de Alexis Jenni d’interroger la foi pour le biais des sensations, des sens qui illuminent nos vies, goûter, voir, entendre, sentir, toucher et parler. Comprendre que la foi n’est pas une démarche de raison raisonnante mais un cheminement expérimental inséré dans nos vis d’hommes et de femmes. Chacun dans les limites de qui il est et de ses disponibilités du moment. La seule idée qui importe est de prendre cette grande respiration que nous inspire la foi, de l’amplifier encore et de la partager. Car la foi est affaire de partage, de vivre ensemble.
Et dans un dernier chapitre donnant son titre à cet essai, Alexis Jenni développe la sagesse qui permet de penser que
« L’image que l’on contemple sur le suaire n’est pas l’empreinte plus ou moins mal prise d’un seul visage, par moyen technique ou par miracle, mais la superposition d’une infinité de visages, de tous les visages successifs de l’humanité, vus en une seule fois. »
Et, quelques pages plus loin, après avoir ancré sa pensée, sa recherche dans d’autres grandes religions que le catholicisme, Alexis Jenni, se basant sur l’expérience que tout un chacun a pu réaliser maintes fois, affirmera cette vérité toute simple :
« Voir nécessite du recul, du champ, de la distance ; et si je m’approche vraiment de toi, voir ne me sert plus de rien. Tout se déforme, se décale, ton merveilleux visage disparaît, ne te ressemble plus et pourtant tu es là, toute proche, et c’est à ce moment-là que tout se passe, bien plus que lorsque je te regardais d’un peu loin. De loin, j’étais émerveillé, et de près je t’aime. Et cet amour me dit qui tu es, et m’apprend qui nous sommes. »
On aura pu s’en rendre compte en lisant ces extraits. Le phrasé de Alexis Jenni est toujours long. Il s’étire mais non pour se délayer dans un verbiage complexe ou abyssal mais pour assurer le tour de la question et poser le sujet au centre. J’ai, cette fois, vraiment apprécié le fond et la forme des propos de l’auteur.
« Son visage et le tien », un de ces petits bouquins qui nourrissent l’Homme et lui donne de rencontrer Dieu.
J’ai commencé plusieurs fois ce Goncourt 2011. Le titre, à la fois m’appelait et me hérissait. Comment parler d’un art (terme noble à mes yeux) et de la guerre ? Associer ces deux notions est antinomique pour moi. En revanche, comme la quatrième de couverture semblait me le dire, habiller de mots le récit de l’un tandis que l’autre habille de couleur, même noire, les perceptions de l’autre, mélanger, échanger l’art et le récit d’une vie de guerre me semblait un beau défi, un pari tenable.
J’ai donc tenté plusieurs fois la poursuite de ma lecture. Petit à petit, je suis rentré dedans mais de manière pénible, forcée, je dirais « scolaire » … J’ai lu, je me suis appliqué à percevoir le fond, la forme, à entrer en réflexion avec les ‘commentaires’, à vivre le témoignage de vie avec le ‘roman’. J’ai compris, je crois, l’idée globale du message : Tant que la notion de race, cette fausse vérité malheureusement bien ancrée, tiendra le haut du pavé, le Français lambda (le Belge, l’Allemand, l’Italien…) restera le Français moyen (le Belge, l’Allemand…) capable d’accepter toutes les guerres au nom de l’Identité, la sienne, la seule qui vaille d’être défendue et posée en valeur suprême.
Mais diable, pourquoi quasi 700 pages pour nous dire cela !
Le style – ou plus exactement, l’absence de style – de Alexis Jenni m’a proprement insupporté ! La construction de son livre en commentaires et partie romanesque m’a fait penser aux analyses lourdes, fastidieuses et très peu productives telles celles que m’imposaient les vieilles fiches scolaires proposées pour les lectures imposées du programme. Tout cet ouvrage m’est apparu brouillon et je n’y ai trouvé aucun plaisir de lecture même si, comme toujours, j’ai aimé qu’un livre me pousse à réfléchir sur notre humanité… mais, comme avec les ados, il n’est pas bon de toujours insister sur ce qu’on veut défendre, cela finit par agacer !
Deux, trois idées à retenir, un livre à oublier !
Lecture finalisée dans le cadre du Défi de Madame lit !
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