"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Magnétique, tout en finesse « L’or qui fait de l’or » est un roman qui nous prend par la taille et nous invite à pénétrer dans une histoire tout en mouvement, judicieuse et attachante.
Nous suivons des yeux Alina -Alinochka depuis sa plus tendre enfance. Bercée au rythme des mathématiques, un père biologiste, dont les travaux sont des tentures subliminales.
La quête des sens, la beauté des équations, l’or dans un sablier.
Alina est surdouée, une intelligence qui se révèle des plus cartésiennes.
« Peut-être que rien du tout ne serait arrivé, si, vers l’âge de six ans, je n’étais pas tombée par hasard sur un cahier étrange dans la bibliothèque de mon père. »
Alina grandit dans cette citadelle où le hasard n’est pas. Les conjugaisons altières, les mathématiques sublimées dans les gestuelles, les paroles et les respirations. Le macrocosme des entendements. Tout est relié, dans le socle même d’une fusion symbolique. Alina est perfectible. Éveillée, perspicace et brillante, sa curiosité s’avère de l’or dans ses mains.
« le code est déjà à l’intérieur, tu as de quoi décrypter toutes les langues, comme tu l’as fait sans le savoir, avec les codes de la respiration, la marche, la parole. »
Vulkova lève son voile, l’Europe centrale habille la trame, fait vibrer l’entendu d’une époque qui s’étire jusqu’à notre présent. « Luda était la seule amie que j’invitais à la maison . » Complices, fusionnelles, l’amitié estimable et souveraine, les confidences étoilées. La connivence à l’instar d’un collier dont les perles se partagent. L’échange comme de la poudre d’or. Gémellaires, elles n’auront de cesse toute la vie, de se voir, de cohabiter, de se soutenir. La connaissance au grand levant, l’une pour l’autre et l’autre pour l’une. Le summum d’une relation resplendissante, joyeuse et tendre. Luda devenue mannequin, le double cornélien d’Alina. L’ombre et la lumière, le pilier et l’éphémère. Elles sont opposées dans le grand jour. Miraculeuses dans le choc des contraires. Le lieu de vie comme une communion. Le point de chute, la croisée des chemins, la voie de traverse.
« Arrête de tourner autour du pot ! Je sais ce qu’il nous reste à faire ! Toi, tu iras dynamiser l’or avec tes modèles mathématiques à Paris, et moi, je ferai model en Italie. »
Alina va gravir les échelons dans une société aux diktats prononcés, dévoreuse et implacable. Elle va jouer des coudes. Se méprendre. Contrer les valeurs inculquées par son père. Prendre des coups, affronter les risques d’échecs. Elle est prise dans les mailles d’une hiérarchie mordante. Elle jongle avec la finance, les challenges comme des défis. Le piège des sociologies et des psychologies d’un monde du travail impitoyable qui se referme immanquablement sur elle.
« L’or qui fait de l’or », l’éthique tirée au cordeau, Alina perd ses plumes raisonnables. La métaphore d’une réussite intérieure, la gloire des solutions. Pas maintenant, pas tout de suite, demain peut-être. Alina est un emblème. Transformer les tickets restaurant comme des as de pique. L’or invisible, la finance aux abois. Elle doit faire ses preuves. Trouver le Graal. Mais sa loyauté et sa droiture sont faussées dans le trouble négatif d’une société où le PDG imprévisible, arrogant, pousse ses employés tels des pions sur un jeu d’échec en bascule. Tel l’homme qui est un loup pour l’homme de Thomas Hobbes. Alina ressent le mordant des déceptions, des petites lâchetés. Les trahisons tourbillonnent. Aline cherche la pièce manquante.
Luda est dans une constance joyeuse et pétillante. Telle l’amie prodigieuse d’Elena Ferrante. Elle est le versant sud, le soleil, la douceur des intuitions révélées.
« Luda se déplace avec une telle grâce. Ses pieds épousent à la perfection la courbe vertigineuse des talons aiguille et lorsque nous nous engageons dans le grand escalier, on croirait que l’espace lui-même s’écarte à son passage. Luda ne descend pas l’escalier, c’est l’escalier qui se déplie sous ses pieds. À chaque nouvelle marche, ce n’est pas un pied qu’elle y pose, mais une goutte d’apesanteur. »
D’une contemporanéité affirmée et conquise, politique et délicieusement chaleureux, la force d’un récit trépidant qui démonte un à un les carcans de la finance. Sous l’écorce la beauté des philosophies altières. Une amitié à l’instar d’un envol de papillons de nuit. Un ballet voluptueux, constant et charnel. Les contraires assemblés, l’or qui fait de l’or. L’adage initiatique : « ma position, tu la connais. La mathématique ne pense pas et ne voit pas. Elle permet tout juste d’échafauder un premier balcon d’où regarder. Ce que tu décides de faire avec ce que tu vois ne peut être validé que par toi. »
Un talisman. Après le fabuleux « Nous dînerons en français » réédité en poche par Intervalles et une participation au recueil « Filles de l’Est, femmes à l’ouest » « L’or qui fait de l’or » d’Albena Dimitrova est le piédestal éditorial. Publié par les majeures Éditions Intervalles.
Alors qu'elle est soignée dans un hôpital généralement réservé aux dignitaires du gouvernement bulgare, pour une paralysie galopante d'une jambe, la jeune Alba rencontre Guéo, la cinquantaine bien entamée, membre du comité central du parti qui dirige encore le pays dans le courant des années 80. Tout en lui réapprenant la marche, Guéo tombe amoureux d'Alba et Alba de Guéo. La différence d'âge, la différence de milieu, la femme de Guéo, la "gentille fille du général", le rapport qu'il doit rédiger et présenter censé prolonger la vie du régime en sursis, qui n'avance pas... tout cela commence à sentir mauvais pour les deux amants qui se donnent rendez-vous à Paris.
Cette passion entre deux êtres qui n'auraient jamais dû se rencontrer : l'un est un dignitaire du parti, l'autre une jeune fille du peuple et ils ont presque quarante ans d'écart, se déroule dans un moment historique crucial pour le pays et pour cette région du monde et même pour le monde entier. L'on commence à entendre le mot de perestroïka : la reconstruction vers une certaine démocratisation lancée par Mikhaïl Gorbatchev et les régimes autoritaires, sous la coupe de l'ex-URSS commencent à penser à l'avenir et à leur survie, d'où le rapport demandé à Guéo. Les deux histoires, celle de Guéo et Alba, la naissance d'un amour et celle du pays, la fin d'un monde, s’entremêlent parfaitement. Elles sont totalement liées. Et même si la vie d'avant perdure, Guéo sait qu'elle est en sursis et qu'elle va disparaître. "Au sanatorium, la seule liberté de manœuvre de nos braves nutritionnistes était la liberté de la peur. La peur qu'ils pouvaient eux-mêmes inculquer aux pontes en leur prédisant les conséquences désastreuses sur leur propre personne s'ils ne se soumettaient pas aux restrictions. Cette peur croisait la courbe d'une autre peur qui partait en sens inverse : celle des nutritionnistes eux-mêmes, qui craignaient pour leur propre peau de nutritionnistes attitrés à une élite de vergogne variable." (p.66)
Ce premier roman, paru en 2015 et judicieusement réédité par Intervalles est formidablement construit, je l'écrivais plus haut, imbriquant l'histoire d'amour et la grande Histoire, les mêlant au point que l'une ne peut vivre sans l'autre. Albena Dimitrova qui a vécu en Bulgarie à l'époque qu'elle décrit avant de venir en France, juste avant la chute du Mur de Berlin, raconte l'histoire du pays avec des anecdotes, des faits vécus par Guéo, ses interrogations quant à la pérennité du pouvoir communiste, ses doutes et ses souvenirs. Elle n'écrit pas un manuel historique, mais l'on ressent la pression, la vie difficile pour les gens du peuple en opposition aux dignitaires qui profitent, la surveillance permanente, tout ce qui fait que la vie sous ces régimes communistes n'était pas aisée. Elle évoque aussi, d'autres aspects, un peu cachés à l'ouest, comme la vraie place des femmes dans la société, plus avancée que chez nous, même si aucune femme n'était dirigeante.
Et puis, il y a cette passion entre Alba et Guéo. Improbable. Sensuelle. Elle la jeune femme émerveillée par l'aura de son amant, par ses attentions et lui, l'homme aux nombreuses maîtresses qui ne veut plus vivre que pour Alba au point d'en oublier son devoir. Je le disais plus haut, tout est mêlé, très joliment écrit, assez enjoué, Alba, la narratrice, voit la vie par ses dix-sept ans, pas totalement insouciante, mais assez légère, un brin frivole. Le roman oscille donc entre la jeunesse enjouée, le ton léger d'Alba et la noirceur et la lourdeur que fait régner le régime sur le pays et ses habitants. Très bien vu. Très belle découverte. Très bonne idée que cette réédition.
Je n'ai absolument pas aimé le roman et beaucoup de pub...
Ce roman fait aussi partie de la sélection du Prix littéraire Cezam 2016. 2ème infidélité en 2 jours aux 68 premières fois mais il ne s'agit que de petits écarts puisque ce sont des 1ers romans !
Alba est une jeune femme. Etudiante, à l'âge de 17 ans, elle souffre d'une paralysée inexpliquée. Elle est transférée à l'hôpital du Gouvernement bulgare. Là bas, elle rencontre Guéo, un homme de 55 ans impliqué dans le Politburo. Elevé par l'une de ses tantes, il a fréquenté les camps d'été en Serbie et a été intégré au corps des élites communistes. La chute du communisme est annoncée. Guéo a rédigé un rapport pour assurer un renouveau du mouvement, ce rapport pourrait bien lui être reproché.
C'est un roman d'amour vécu dans l'urgence. En même temps que se profile la fin d'un courant politique naît une histoire d'amour entre 2 êtres attachés à la beauté de la langue. Cette aventure les mènera à Sofia puis à Varna au bord de la mer Noire.
Le couple est sous pression permanente, surveillé dans ses mouvement, il doit user de mille et un stratagème pour se préserver un semblant d'intimité. Tout parait si fugace qu'il savoure chaque instant comme si c'était le dernier.
Je me suis laissée porter par l'élan fulgurant de la passion mêlé à la grande Histoire d'un mouvement politique hors norme.
N'attendez pas de ce livre qu'il vous donne toutes les réponses, l'auteur sème quelques graines qui ne feront que pousser dans votre esprit au point de vous en laisser des souvenirs peut-être impérissables...
Il se glisse à la 2ème place de mon classement !
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