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Si la nouvelle est un art, l’auteure de "Rebelles, un peu" y excelle : à la rencontre de Claire Castillon...

"Je raconte des histoires où il y a des adolescents, c’est-à-dire de très grandes petites personnes ou de très petites grandes personnes"

Si la nouvelle est un art, l’auteure de "Rebelles, un peu" y excelle : à la rencontre de Claire Castillon...

Rebelles, un peu (L’Olivier), est le nouveau recueil de nouvelles de Claire Castillon. La nouvelle est un art, l’auteure des Messieurs (L’Olivier), publié en 2016, y excelle (retrouvez la chronique de Rebelles, un peu  ici). Nous l'avons rencontrée, elle nous a tout dit, ou presque !

 

- Vous excellez dans la forme de la nouvelle, il y a une fluidité, une rapidité et une intensité qui servent parfaitement votre langue. Quel plaisir prenez-vous à l’exercice ?

Ecrire est de moins en moins un plaisir, c’est une sorte d’instant de rencontre. L’instant où ça se produit. Je prends parce que c’est exactement le temps présent, là où je dois être au moment où ça arrive. Ce qui est bon dans l’écriture d'une nouvelle, c’est peut-être cette incarnation précise du temps. C’est peu dilué, c’est radical. Ça contient tout l’avant aussi. 

 

- L’adolescence, en tant que telle est un thème assez nouveau dans votre œuvre. Comment l’avez-vous rencontré ?

Peut-être que sans parler directement de l’âge, j’ai beaucoup parlé de la transition, de ce pas à faire, un pied dans l’enfance, et un dans l’âge adulte : je faisais un pas un peu plus grand pour survoler la période peut-être. Je n’ai jamais eu l’impression d’être une adolescente et pourtant je les comprends du dedans, ça, j’en suis certaine, comme si j’avais fui cet âge parce que j’avais hâte d’arriver. 

 

- L’adolescence pose aussi la question de la transformation, du rapport de soi avec un soi qui devient un autre. Est-ce une des pistes, un des fils rouges qui maillerait votre œuvre ?

Je parlais du pas, de la distance à l’instant. Alors oui, peut-être que je l’ai souvent associé au dégoût. Quand c’est « trop », on ferme les yeux et on fonce.

 

- Dans quoi avez-vous puisé pour écrire ces nouvelles ?

Mon enfance, mes souvenirs, les ados que je connais, ou que je ne connais pas : je me souviens de ces deux là qui se roulaient des pelles dans un jardin, appareil dentaire contre appareil dentaire et entre deux (pelles) recommençaient à se parler sur un ton tout à fait extérieur « Ouais ma mère elle a dit que… » et hop, ils repartaient de plus belle dans un baiser, avant de reprendre la suite de la conversation ou autre chose comme « tu aimes les chiens ? » 

 

- Comment parler de l’adolescence, sujet rebattu, sans tomber dans les lieux communs et les archétypes ?

Peut-être en évitant la psychologie, l’analyse. Je ne sais rien en fait, alors je n’essaie pas de raconter ce qu’est un adolescent d’aujourd’hui. Je raconte des histoires où il y a des adolescents, c’est-à-dire de très grandes petites personnes ou de très petites grandes personnes. Ils sont enfermés dans le livre, ils ne fuient pas vers l’extérieur comme des théories.

 

- 29 nouvelles, autant de situations, La drogue, les premiers pas dans l’amour, l’amitié, les relations avec les adultes, la nostalgie de sa propre enfance : Qu’avez vous choisi de dire dans ce bouquet plutôt très large ?

J’ai choisi les thèmes qui portaient mes histoires. Du coup, ce sont vraiment les histoires qui ont décidé des thèmes. 

 

- La question de la popularité, des relations entre adolescents est très présente dans votre recueil. Comment les abordez-vous ?

Quand j’en ai entendu parler, j’ai eu peur et mal pour eux. J’ai compris que beaucoup de jeunes gens sont saqués par ceux de leur classe parce qu’ils ne sont pas vêtus comme ils « doivent ». Cette tyrannie m’effraie. Pour ceux qui n’ont pas la force pour l’instant de dire non. J’ai passé mes récrés aux toilettes pour éviter les autres alors si le populaire avait existé, je crois que j’aurais arrêté l’école en sixième. La violence me semblait déjà trop lourde, les regards, le manque de gentillesse… Alors c’est vrai que je n’aime pas la méchanceté. Et je voudrais que tous les proviseurs aient le courage d’intervenir dans ces cas-là. Ce qui n’est pas le cas. Les autruches. 

 

 

- Comme souvent dans vos nouvelles, on rit beaucoup dans Rebelles, un peu. Comment définiriez-vous la qualité de ce rire qui n’est pas moqueur ?

Si quand même ! Je me fiche un peu d’eux… Mais des mères aussi, et des pères, et de tout le monde. Mais peut-être que je ne m’en fiche pas tant que ça puisque je leur consacre des livres. A mon avis, c’est parfois drôle parce qu’au delà de reprendre des litanies adolescentes, les histoires  ramènent le lecteur à un état de souvenir. Ou lui permet de pouffer de choses qui ne sont pas si dramatiques. Dans « arrête de faire ta drama-queen », une ado vient de se rendre compte qu’elle était folle amoureuse d’un garçon de sa classe qui est décédé. Et sa logorrhée sur sa douleur, son espèce de centre ultra boursouflé, offre le contraire de ce qu’aurait dû incarner cette nouvelle, c’est-à-dire le drame, le deuil. Non. L’ado meurt et on a cette élève qui nous fait sa Phèdre, et c’est peut-être cela qui fait rire. On est content qu’elle nous évite de pleurer.

 

- La lecture de ce livre invite à penser le moment de l’adolescence de façon plus subtile, moins morale et plus généreuse. L’écriture a-t-elle généré des effets particuliers sur l’écrivain que vous êtes ? 

C’est la cadence. La cadence c’est bon. L’urgence. La suivante. Cette espèce d’épouvante à l’idée que ça s’arrête. Les effets se situent là, dans ce que j’appellerais l’addiction. Je suis accroc à ces états d’écriture. Mais pas au contenu. 

 

Propos recueillis par Karine Papillaud

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