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Extrêmement fort, incroyablement proche de nous, "Marche Blanche" est le nouveau roman de Claire Castillon

Thriller ou livre de deuil ? Histoire de folie ou de tristesse ?

Extrêmement fort, incroyablement proche de nous, "Marche Blanche" est le nouveau roman de Claire Castillon

C’est une histoire telle qu’on en trouve dans les pages des faits divers.

Un jour, une maman emmène sa petite fille de 4 ans au parc. Un court jeu de cache-cache plus tard et sa fille a disparu, apparemment enlevée par un « petit homme sec ». De marche blanche en marche blanche dans le village froid de montagne où vit cette famille amputée, dix ans passent. Jusqu’au jour où des voisins s’installent en face de leur maison. Ils ont deux enfants, dont une fille de 14 ans qui ressemble au portrait grandi par Photoshop de la petite enfant disparue.

C’est en tout cas ce dont se persuade la mère dans la tête de laquelle Claire Castillon place d’emblée et pour de bon son lecteur. A partir de là s’installe une tension narrative prégnante.

Lit-on un thriller ou un livre de deuil ? Une histoire de folie ou de tristesse ? Dans Marche blanche (Gallimard) Claire Castillon reste subtilement en lisière de ces questionnements et laisse le lecteur faire avec sa propre histoire pour y répondre. De phrase en phrase, il est happé et laissé haletant à la fin du roman.

 

Car d’emblée, le sujet étreint le lecteur et la lectrice : la disparition de son enfant est l’un des pires cauchemars que puissent connaître des parents. Les personnages de Marche blanche sont vitrifiés, glacés par l’attente depuis dix ans, raisonnablement convaincus que la petite fille est morte, mais indiciblement accrochés à l’espoir de la retrouver. C’est cette torsion comme une immense fragilité, s’intensifiant jusqu’à la déchirure, qui poursuit le livre jusqu’à la fin, dans le monologue intérieur d’une mère dont l’imagination ne connaît aucune limite. Pour autant, pas de mélopée ni de lourdeur dans le roman : chez les personnages de Claire Castillon, le ressassement se fait léger, et souvent drôle ; on sourit beaucoup au milieu de ce chagrin déployé.

 

L’événement de la disparition devient peu à peu une tâche de fond dans la vie d’un couple que l’auteur dévoile peu à peu. Il y a dans ce roman les exigences de la maternité, le désir et le besoin d’accomplir la relation entre une mère et son enfant, le renoncement à soi qu’ils entrainent, la solitude aussi qui finit par prendre beaucoup de place. Une des réflexions de fond de ce roman ne réside pas dans la manière dont on peut affronter la sidération, puisque celle-ci ne permet aucunement de penser. Mine de rien, Marche blanche interroge le couple, sa chorégraphie quand l’enfant arrive, les places des uns et des autres, les silences, l’organisation d’un quotidien insensible et ordinaire, et l’impératif catégorique qui veut que la relation parentale efface les individus au profit du projet d’enfant.

 

Comme d’habitude chez Claire Castillon, c’est au travers de la force de la langue et de l’exigence de la narration que les questionnements naissent dans la tête du lecteur.  L’écrivain n’écrit pas pour heurter, pour choquer, pour se faire remarquer. Quand elle saisit ce qui pourrait être un fait divers, ce n’est pas pour s’accorder à l’actualité ou aguicher le débat social. Elle creuse, toujours plus profondément, l’âme humaine, ses bourrasques et les frontières de la psyché. Marche blanche raconte comment la tragédie et la beauté, le chagrin et l’amour, l’horreur et la vie ne se combattent pas toujours mais peuvent ensemble sublimer les êtres.

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