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"Nature humaine" de Serge Joncour, Prix Femina 2020, un roman qui va vous toucher et vous emporter...

Comment la Terre peut-elle venir au secours de notre humanité en péril ?

"Nature humaine" de Serge Joncour, Prix Femina 2020, un roman qui va vous toucher et vous emporter...

Le roman Nature humaine de Serge Joncour (Flammarion 2020) est chroniqué pour nous par Magali BERTRAND membre du Cercle livresque.

 

Ce cher Serge… n’était la difficulté à prononcer ces 3 mots, (essayez, vous verrez…), j’aurais passé les presque 400 pages de Nature Humaine à le répéter en boucle tant, une fois de plus, je me suis laissée cueillir, toucher, et emporter par la nature profondément humaine de la plume de ce délicat géant.

Nous voici transportés dans un coin de France où même les départements hésitent à tracer leurs frontières, quelque part entre Tarn et Garonne, dans une vallée restée secrète, loin du regard des hommes, qu’ils soient touristes ou employés chez EDF. Serge Joncour nous y invite à finir le XXème siècle, de l’été 76 à l’hiver 99, aux côtés d’Alexandre, « fils sacrificiel » de la famille Bernier, voué par sa nature d’unique garçon parmi des filles à reprendre les rênes, tenues depuis trois générations, de la ferme familiale des Bertranges.

 

Mais le monde change et bouge. Chez les Bernier, l’immuabilité vacille sur ses bases : les grands-parents se sont exilés dans le pavillon du bas, le téléphone plante ses poteaux gavés d’arsenic jusqu’à la ferme. La famille, soudée autour des derniers travaux collectifs et des expéditions au Mammouth local fraîchement implanté, ne sera bientôt plus qu’un souvenir lorsque, cédant à l’impulsion irrépressible qui pousse la Belle au Bois Dormant à aller se piquer au seul rouet restant et la chèvre de Monsieur Seguin à découvrir la vie hors de son enclos, les filles s’envoleront vers les lumières de la ville et une vie selon leur choix.

C’est précisément en jouant le chauffeur pour mener l’une d’entre elles vers la Ville Rose qu’Alexandre entrera en contact avec une poignée de personnes. Cette rencontre aura un impact déterminant sur le reste de son existence, aussi déterminant que ses conversations avec le père Crayssac, vieux voisin ronchon cramponné à ses chèvres comme à ses convictions, prêt à tout pour préserver son mode de vie et son environnement, fût-ce au prix de sa liberté…et de quelques pylônes EDF ou autres engins de chantier de l’autoroute à venir.

 

Avec ses airs de ne pas y toucher et de se poser en simple observateur d’une catastrophe annoncée, Serge Joncour a l’art et la manière de prendre notre nostalgie par la main, sans violence, sans militantisme brutal, mais avec la profondeur troublante qu’implique un sincère attachement à une terre, à ceux qui l’habitent, la creusent, la travaillent, la nourrissent et s’en nourrissent, mais aussi à tous ceux qui, même de loin, même maladroitement, tentent de renouer avec elle, d’en sauver la beauté, et de lui témoigner une forme nouvelle de respect.

Son Alexandre, posé de manière inconfortable entre deux âges, entre deux mondes, incertain de ses propres désirs et de ses propres choix, loin d’être heureux est extrêmement touchant dans ses non-dits et ses non-choix. Témoin impuissant d’une force qui s’avance afin broyer son monde pour des raisons qui lui échappent, il s’en fait le complice par son silence, n’osant, comme d’autres, s’y opposer ouvertement.

 

Comment rendre la Nature plus humaine sans l’asservir et la massacrer ? Comment ramener l’humain à plus de naturel sans lui faire perdre la face, sans nier son évolution nécessaire, sans le laisser retrouver une sorte de violence originelle ?

 

Il y a, dans ce très beau roman qui tente, à toute force, d’éviter le manichéisme, quelque chose de la troublante mélancolie d’un Ferrat chantant La Montagne mêlée à l’indéracinable espoir du Regain de Giono, et, si Joncour y suit le sillon des larmes de la Terre, c’est pour mieux planter dans notre âme un inoubliable parfum de menthe sauvage aux curieuses notes de patchouli.

 

© Magali BERTRAND

 

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Commentaires (5)

  • Magali BERTRAND le 28/11/2020 à 22h07

    Magali BERTRAND a dit :
    En effet, ma plume a fait un curieux raccourci entre le nom de la famille et celui de leur domaine...et, carte à l'appui, en suivant les pérégrinations d'Alexandre, on ne cesse en effet de jouer à saute-frontière entre ces départements où l'on a parfois déshabillé Pierre pour rhabiller Paul, empruntant quelques parcelles aux uns pour les offrir à un autre.

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  • Magali BERTRAND le 28/11/2020 à 22h02

    annie-france belaval a dit :
    Fabrier et non Bernier; c'est plutôt du Lot qu'i s'agit (où vit Joncour) mais c'est vrai que les départements n'ont pas de frontière: Lot et Garonne, Dordogne et même Corrèze , à Brive pour la foire aux livres (2019 évidemment) j'ai eu le sentiment d'être bien près de chez moi (près de Cahors)
    Ces remarques ne diminuent en rien l'intérêt de cette chronique; je termine la lecture, Joncour m'en avait donné une énorme envie à Manosque, avec beaucoup d'humour, lui qui à l'air pince sans rire; je ne suis pas déçue.
    Avis aux futurs lecteurs: faire bien attention aux dates car le récit n'est pas chronologique.

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  • danielle Cubertafon le 27/11/2020 à 22h51

    Un bon sujet ,la nature reprends t elle ses droits il faut bien espérer, un sujet très interessant a lire

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  • annie-france belaval le 27/11/2020 à 15h07

    Fabrier et non Bernier; c'est plutôt du Lot qu'i s'agit (où vit Joncour) mais c'est vrai que les départements n'ont pas de frontière: Lot et Garonne, Dordogne et même Corrèze , à Brive pour la foire aux livres (2019 évidemment) j'ai eu le sentiment d'être bien près de chez moi (près de Cahors)
    Ces remarques ne diminuent en rien l'intérêt de cette chronique; je termine la lecture, Joncour m'en avait donné une énorme envie à Manosque, avec beaucoup d'humour, lui qui à l'air pince sans rire; je ne suis pas déçue.
    Avis aux futurs lecteurs: faire bien attention aux dates car le récit n'est pas chronologique.

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  • Kryan le 27/11/2020 à 11h03

    Bonjour et merci pour cet avis sur ce beau roman que je lirai sans aucun doute.

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