« Le Roi fantôme raconte la geste de ces Ethiopiennes qui se sont battues aux côtés des hommes, mais qui ne subsistent à ce jour que sous forme de mentions éparses dans des documents jaunis », précise la romancière Maaza Mengiste dans sa « Note de l’auteur ».
Il est bien question d’une formidable geste dans ce livre publié aux éditions de l’Olivier, placée sous l’égide d’Homère, tant le récit de Mengiste dans cette langue magnifique, servie par des personnages superbes, semble nous raconter une histoire à la fois mythique et hautement symbolique dans cette ère post metoo.
La guerre d’Abyssinie, qui illustre la furie fasciste de Mussolini, démarre fin 1935 et ne connaîtra vraiment d’issue qu’en mai 1941, après le siège d’Addis-Abeba et l’intervention de la première division française libre, des forces britanniques et belges. En 1935, Hirut est une jeune Ethiopienne orpheline, placée comme servante chez un ami de sa famille disparue, qui subit le caractère et la violence de l’épouse. Elle est adolescente et n’a le droit que de se taire, endurer, et partager un galetas dans une masure avec la cuisinière. La société éthiopienne se déploie, avec ses rituels, ses mariages forcés, l’assujettissement banal dans une société codifiée et tribalisée.
La guerre arrive, son maître prend les armes, lève une troupe de paysans en renfort de l’armée de l’Empereur Hailé Sélassié, et faire face à l’invasion de contingents italiens modernes et suréquipés. Les femmes décident de ne pas rester passives et prennent les armes, au grand dam des hommes… qui devront s’y faire, tant la volonté de ces femmes, qui sont des cuisinières, des servantes, des filles de ferme, s’impose à eux. Les femmes vont au combat quand l’Empereur, lui, prend ses cliques et ses claques et se réfugie en Angleterre.
C’est alors qu’Hirut a une idée géniale, remplacer l’empereur enfui par un villageois qui lui ressemble et lui faire jouer le rôle de Selassié. Avec ce subterfuge, le pays n’est pas abandonné par son Negusse Negest, il est là, tient son peuple et l’encourage à résister. Ce « shadow king » est encadré par les femmes, en uniformes. Le temps d’une guerre, un pays a vu se transformer les vassales en « seigneures ».
Maaza Mengiste poursuit ce livre depuis dix ans. Elle prend son temps, tant son histoire familiale fait écho à l’aventure de son pays, mais surtout elle se documente beaucoup. Il y a une somme de recherches considérable, faites dans des archives… hélas validées par la censure fasciste qui s’est emparé de l’histoire éthiopienne. Alors Mengiste parcourt les lieux, interroge des anciens, traîne dans des brocantes pour recomposer une histoire effacée.
Structurée au cordeau, cette fresque éthiopienne semée de rebondissements historiques et dramaturgiques est une parabole de la levée d’un féminisme originel, celui de femmes qui prennent les armes, s’emparent du destin de leur pays, aux côtés des hommes. On pense forcément aux Yazidies d’aujourd’hui, aux femmes kurdes de Raqqa, mais aussi à toutes les résistantes, en France et en Europe qui ont refusé de prêter le flanc à la botte nazie. Le Roi fantôme (ed de l’Olivier), traduit par Serge Chauvin, est certainement l’un des plus beaux et forts romans de cette rentrée littéraire de janvier.
Un sujet que je ne connais pas assez et à découvrir, car la furie fascite , fait peur, très intéressant car elle a fait des recherches qui doit nous faire frissonner en lecture
Bonjour, merci pour cette chronique qui donne vraiment envie de dire ce moment. Je reprends les termes que j'ai lu, plein de mysticisme, de symbolisme, et qui parle aussi de la place des femmes à côté de celle des hommes.
Très belle analyse
Ça donne vraiment envie de lire ce livre
Je suis un peu Maaza M
et avec ce livre
j'ai encore plus envie
de la lire
Merci
Merci pour cette chronique qui donne envie :)